Data

Date:
12-06-2001
Country:
France
Number:
-
Court:
Cour d'Appel de Colmar
Parties:
unknown

Keywords

CONTRACT OF SALE - NECESSARY ELEMENTS - DETERMINATION OF QUANTITY, QUALITY AND PRICE

CONTRACT OF SALE - NECESSARY ELEMENTS - SELLER'S OBLIGATION TO DELIVER THE GOODS (ART. 30 CISG) - BUYER'S OBLIGATION TO TAKE DELIVERY AND PAY THE PRICE (ART. 53 CISG)

EXEMPTION FOR NON PERFORMANCE – IMPEDIMENT NOT AMOUNTING TO EXEMPTION IF PREDICTABLE (ART.79 CISG)

LONG-TERM BUSINESS RELATIONSHIP – CHANGE OF CIRCUMSTANCES - FAILURE TO PROVIDE FOR MECHANISMS OF RENEGOTIATION BY A COMMERCIALLY EXPERIENCED BUYER – EXEMPTION FOR NON PERFORMANCE EXCLUDED

DAMAGES – DUTY TO MITIGATE (ART.77 CISG)

Abstract

A Swiss seller and a French buyer concluded a framework agreement whereby the former undertook to supply a certain quantity of goods to the latter. Under the contract the goods had to be delivered over a period of eight years depending on the needs of the final customer to whom the goods had to be resold. Faced with the final customer’s decision to reduce the repurchase price, the buyer refused to take delivery of most of the goods. Subsequently, a dispute arose between the seller and the buyer.

The Court of first instance did not qualify the contract concluded by the parties as a contract of sale and therefore held CISG not applicable (Tribunal de Grande Instance de Colmar, 18.12.1997: see abstract and full text in UNILEX).

Reversing the first instance decision, the appellate Court affirmed that the case at hand was governed by CISG (Art.1(1)(a) CISG). In reaching this conclusion, it pointed out that the qualification given to the contract by the parties (‘confirmation relative à l’accord…’) was not significant in order to determine whether a contract of sale had been formed. Regard had to be given to the real content of the parties’ agreement. Together with the fact that the parties had respectively qualified themselves as manufacturer (‘fabriquant’) and buyer (‘acheteur’), other circumstances had to be taken into account.

Firstly, the contract at hand contained a precise determination of goods both as to quality (through indication of its color, weight, packaging) and as to quantity. In particular, the fact that the exact quantity was to be determined by referring to the final customer’s needs did not amount to lack of determination of quantity (as put forward by the buyer), but only to a criterion to distribute over a period of eight years the minimum quantity to be delivered fixed by the contract.

Secondly, the Court observed that since the seller had undertaken the obligation to create stocks in order to satisfy the final customer’s needs, its obligation was not merely to keep goods at the buyer’s disposal, but to manufacture and deliver them over a period of eight years. It followed that the buyer had in turn undertaken the obligation of taking delivery and paying the price, because otherwise the agreement reached between the parties would have been totally damaging for the seller, exposing it to the risk of producing large quantity of goods which might remain unsold.

Consequently, the contract at hand had to be deemed a contract of sale meeting all the requirements under CISG.

Moreover, the Court held the buyer liable for breach of contract under CISG (Art. 61 CISG). In reaching this conclusion, the Court rejected the buyer’s argument that its decision not to take delivery of goods was caused by an event beyond its control and unpredictable at the time of conclusion of the contract (Art. 79 CISG). Not only was the reduction of the repurchase price by the final customer predictable at the time of conclusion of the contract, but it was up to the buyer, who was aware of entering into a long-term business relationship, to provide for mechanisms of renegotiation for the case of changes of circumstances (i.e. by including a hardship clause in the contract).

Finally, the Court awarded the seller damages (Art.74 CISG) to be determined taking into account the possibility for it to mitigate the loss (Art. 77 CISG) by reselling or re-using the stock in a different way.

Fulltext

LA SOCIETE R... AG, société de droit suisse, ayant son siège social à (...), OBERKULM, (Suisse)
prise en la personne de son représentant légal,
représentée par Maîtres C... ET ASSOCIES, Avocats à la Cour, plaidant Maître P... S... , Avocat à STRASBOURG,

INTIMEE et défenderesse :

LA S.A.R.L. B... FRANCE, ayant son siège social (...), ROUFFACH,
prise en la personne de son représentant légal,
représentée par Maîtres H... ET ASSOCIES, Avocats à la Cour, plaidant Maître R... , Avocat à STRASBOURG,

Le Groupe B... est spécialisé dans la fabrication de climatiseurs pour l'industrie automobile.
La société de droit suisse R... AG fabrique des pièces moulées.
Suivant convention du 26 avril 1991, elles ont conclu un "accord de collaboration" concernant la fourniture, par la société R... AG, de carters en mousse polyuréthane de couleur noire, devant équiper les climatiseurs des camions de la société RVI, client final de la société B... France.
Par lettre du 6 décembre 1993, la société B... France a fait connaître à la société R... AG qu'à compter de mi janvier 1994, elle n'utiliserait plus les carters fabriqués jusque là par la société R... AG et qu'à l'avenir, cette pièce ne serait plus commandée qu'à titre de pièce de rechange.
Suivant réponse du 21 décembre 1993, la société R... AG a pris acte de la position adoptée par la société B... France. Invoquant les investissements importants réalisés pour mettre en oeuvre l'accord conclu en 1991, elle a sollicité la réparation du préjudice qu'elle subissait du fait de la " cessation " du contrat, soit une somme variant de 1.898.325 FS à 3.077.587,50 FS, suivant les modalités d'indemnisation envisageables.
Ces deux sociétés n'ayant pu parvenir à un accord pour résoudre ce différend, la société R... AG a fait assigner le 19 juin 1996 la société B... France devant le tribunal de grande instance de Colmar, chambre commerciale, pour obtenir sa condamnation au paiement de la contre valeur en francs français de 3.071.962 CHF à titre de dommages et intérêts, outre 60.300 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société B... France a conclu à l'application du droit suisse, subsidiairement de la Convention de Vienne. Elle a demandé au tribunal de constater que la résiliation de la convention du 26 avril 1991 était intervenue à l'initiative de la société R... AG, de débouter la demanderesse et de réserver ses droits au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive. Subsidiairement, elle a sollicité une expertise sur le montant réclamé et a conclu à la condamnation de la société R... AG aux dépens et au paiement de la somme de 50.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement prononcé le 18 décembre 1997, le tribunal de grande instance de Colmar chambre commerciale a déclaré la demande recevable mais débouté la société R... AG de sa demande. Il a condamné la demanderesse à payer à la société B... France la somme de 10.000 francs à titre d'indemnité de procédure, ainsi que les dépens de l'instance.
Le tribunal a tout d'abord constaté que la convention du 26 avril 1991 contenait une clause attributive de juridiction, valable au regard des l'article 17 de la Convention de Lugano, et non contestée par les parties.
Sur le droit applicable, le tribunal a constaté que la convention n'avait rien prévu, en sorte qu'il convenait préalablement de qualifier la convention litigieuse, le caractère international du contrat résultant de la qualité des parties contractantes et de l'objet de l'accord.
A cet égard, les premiers juges ont estimé que la convention du 26 avril 1991 ne comportait pas d'accord sur une quantité déterminée, en sorte que l'application de la Convention de Vienne - qui ne concerne que les contrats de vente ferme - devait être écartée.
Conformément aux règles du droit international privé renvoyant à la lege fori et donc aux dispositions de l'article 12 al.2 du nouveau Code de procédure civile il a recherché qu'elle avait été la volonté des parties au moment de la conclusion de l'accord. Considérant que le contrat litigieux ne comportait pas ni obligation ferme de livrer ou de donner, ni d'obligation ferme d'acheter, il en a déduit qu'il ne pouvait s'agir d'un contrat de vente mais d'un accord cadre de production et de distribution ou " travail en commun " fondé sur une exclusivité réciproque.
Il a en conséquence écarté l'application de la Convention de la Haye du 15 juin 1955 et retenu celle de la Convention de Rome dont l'article 4 renvoie à la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, soit celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique, a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle.
En l'espèce, la prestation caractéristique devant être fournie par la société R... AG - et le contrat étant au surplus rédigé en langue allemande - le tribunal a considéré qu'il y avait lieu de faire application du droit suisse.
L'article 2 du Code civil suisse posant un principe général de bonne foi dans l'exécution des contrats, les premiers juges ont estimé qu'en l'absence d'obligation ferme d'acquérir, il n'y avait pas eu d'inexécution fautive du contrat, que la preuve d'une violation de l'obligation d'exclusivité d'approvisionnement, par la société B... France, n'était pas démontrée, et que la cessation du contrat n'était que la conséquence de l'absence de commande de RVI, client final de la société B... France.

Suivant déclaration enregistrée au greffe le 22 janvier 1998, la société R... AG a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives déposées le 20 octobre 2000, l'appelante demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de constater que la société B... France refuse de prendre livraison des 11.505 jeux de carters qu'elle s'était engagée à acheter auprès de la société R... AG par contrat du 26 avril 1991 ;
- de constater qu'il s'agit d'une inexécution fautive et d'un manquement grave par la société B... France à ses obligations contractuelles ;
- de condamner la société B... France à payer à la société R... AG la contre valeur en francs français de la somme de 3.040.656 CHF à titre de dommages et intérêts au titre du gain manqué, et de 31.306 CHF au titre du stock de pièces inutilisables ;
- de débouter la société B... France de l'intégralité de ses demandes ;
- de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 100.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société R... AG constate tout d'abord qu'il n'existe pas de discussion sur la compétence de la juridiction saisie.
Sur la qualification du contrat ensuite, elle rappelle que la Convention de Vienne constitue le droit international matériel uniformément applicable en matière de vente internationale. En l'absence de définition expresse, il résulte de certaines des dispositions de ce texte que la Convention de Vienne adhère à une définition " classique " de la vente, à savoir la rencontre de deux obligations : pour le vendeur, celle de livrer la marchandise et d'en transférer la propriété, pour l'acquéreur, celle de prendre livraison et de payer le prix.
Au regard de ce texte, le contrat du 26 avril 1991 s'analyse indéniablement en un contrat de vente, dès lors qu'il y a accord sur l'objet de la livraison, les volumes de vente et les prix unitaires :
- l'objet du contrat ne fait pas discussion il s'agit de carters ;
- la clause relative aux volumes de livraison " d'au moins 20.000 unités en 8 ans selon les besoins de RVI " renvoie nécessairement à un quota minimum déterminé qui doit être interprété de manière stricte, la référence aux " besoins de RVI " n'étant faite que pour permettre l'étalement des commandes sur la période de 8 ans, et offrir à la société B... France de commander une quantité supérieure à 20.000 unités sur cette période ;
- le prix unitaire - même variable en fonction des quantités livrées - est un prix déterminable.

La Convention de Vienne est donc bien applicable au présent litige, étant rappelé que cette convention a été ratifiée par la France et par la Suisse, avant la signature du contrat. A supposer même que la qualification de contrat de livraisons successives soit retenue il conviendrait de se référer à l'article 1er de cette convention (arrêt Von Caemmerer/Schlechtrin).
Enfin, même en procédant à une analyse de la convention par référence au droit français (articles 1129,1156, 1164,1582, et 1583 du Code civil français), l'on parvient à la qualification de contrat de vente.

Pour l'appelant, l'accord de 1991 va même au delà d'une simple vente puisqu'il comporte :
- une obligation de résultat pour la société B... France d'acquérir 20.000 unités sur une période de 8 ans, et une obligation de moyens au delà de ce quota, en fonction des besoins de RVI ;
- l'obligation de disposer de la capacité de production nécessaire à la satisfaction des commandes de société B... France, pour la société R... AG.
Les conventions qui, dans l'ignorance du volume précis de leur activité huit ans à l'avance, stipulent deux quotas - l'un minimum ferme, et l'autre prévisionnel - sont conformes aux usages du commerce, notamment en matière internationale.
En l'espèce, compte tenu de la durée du contrat et des engagement pris par la société R... AG d'assurer une capacité de production annuelle conforme aux quotas prévisionnels, il lui était indispensable de garantir l'amortissement de ses investissements par l'assurance d'un minimum de ventes.
La quantité de 20.000 unités a été arrêtée contractuellement et de manière tout à fait raisonnable, dès lors que sur les 5 premières années, les parties avaient prévu un volume d'affaires de 24.000 carters, et sur la période totale du contrat, un marché de 42.000 unités.
Il serait en conséquence paradoxal et contraire à la volonté des parties d'analyser la convention du 26 avril 1991 comme une simple déclaration d'intention pour la société B... France alors qu'en raison du volume de vente envisagé, la société R... AG avait l'obligation d'adapter sa capacité de production à concurrence d'un minimum de 20.000 unités, voire davantage. Dans les faits, la société R... AG a été contrainte de réaliser environ un million de francs suisses d'investissements.
Dans l´hypothèse où la Convention de Vienne ne poserait pas de règles matérielles susceptibles d'apporter une solution au litige, la loi suisse - loi du pays où le vendeur a sa résidence habituelle - trouverait à s'appliquer et conduirait également à qualifier la convention de contrat de vente.
En effet aux termes de l'article 184 du Code des obligations suisse la vente est " un contrat par lequel le vendeur s'oblige à livrer la chose vendue à l'acheteur et à lui transférer la propriété, moyennant un prix que l'acheteur s'engage à payer. "
L'article 2 du Code civil suisse pose le devoir d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. Or la société B... France n'a manifestement pas respecté cette obligation en mettant fin au contrat à compter du 6 décembre 1993 alors qu'il lui restait à prendre livraison de 11.505 carters.
Dès lors, tant par application de la Convention de Vienne que du droit suisse la société R... AG est en droit de réclamer réparation du préjudice subi et considère que la société B... France ne peut se justifier en invoquant la théorie de l'imprévision au motif qu'elle ne pouvait revendre les carters à RVI, et en tout cas qu'à un prix inférieur au prix d'achat convenu avec la société R... AG. En effet l'argumentation développée par société B... France démontre au moins que la société RVI a toujours l'usage des climatiseurs vendus par la société B... France, et qu'il s'agit simplement d'un problème de coût. Or la disproportion entre le prix d'achat et le prix de vente n'est pas opposable à R... qui n'est pas intervenue dans les relations B... France/ RVI. De plus le débiteur ne peut se soustraire à ses obligations au simple motif qu'il n'est pas responsable de l'inexécution. Le champ d'application de l'imprévision - admis par la Convention de Vienne et le droit suisse - est très restreint et recouvre, en fait, celui de la force majeure. Aucune des conditions posées ne se retrouve en l'espèce, la circonstance que l'exécution du contrat soit simplement devenue plus onéreuse, pour la société B... France, ne constituant pas un événement extérieur, imprévisible et irrésistible.
De plus au regard du droit suisse, c'est à celui qui n'exécute pas son obligation de rapporter la preuve que cette inexécution n'est pas fautive.
Or en l'espèce, la société B... France aurait pu prendre des garanties vis à vis de la RVI lorsqu'elle s'est engagée à l'égard de la société R... AG, ce qu'elle a négligé de faire. Ce faisant elle a pris un risque qu'elle doit à ce jour assumer. La réduction des besoins de la société RVI était également prévisible et le rapport entre les prestations réciproques des parties au contrat n'a pas changé.
La société R... AG ne peut être tenue de supporter un préjudice consécutif à la remise en cause par un tiers, de conventions auxquelles elle n'était pas partie.
II en résulte que la société B... France doit être condamnée à réparer intégralement ce dommage, selon la doctrine et la pratique suisse, à savoir que la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été exécuté. Ici, la réparation du dommage comprend :
- le remboursement des matières premières commandées par la société R... AG pour la fabrication des carters soit un montant de 31.306 CHF ;
- le paiement du gain manqué calculé sur la base du prix des carters qui auraient dûs être livrés (11.505 x 458 CHF : 5.269.290 CHF) déduction faite des frais amortissables (193,71 CHF l'unité soit 2.228.634 CHF) correspondant à un total de 3.040.656 CHF.

Suivant conclusions récapitulatives datées du 11 décembre 2000 la socié B... France demande à la cour :
- de désigner avant dire droit un expert ayant pour mission de constater la chute brutale des commandes des véhicules industriels dans le cadre de l'Union Européenne en 1993, de prendre connaissances des exigences de RVI, et de comparer les prix offerts par les différents fournisseurs des composants de climatiseurs ;
- d'ordonner le cas échéant l'audition de M. Th... de la société RVI sur la nécessité de réduire de moitié le prix des groupes de climatisation ;
- de constater que la société R... AG, contrairement à la société B... France ne rapporte pas la preuve de la loi suisse ;
- d'enjoindre à la partie adverse de produire un certificat de coutumes portant date et mention de son auteur ;
- de déclarer la société R... AG irrecevable et mal fondée ;
- de se déclarer compétente ;
- de confirmer le jugement de première instance tout en l'émendant quant à l'indemnité de procédure ;
- de dire que le droit applicable au fond est le droit suisse des obligations.

Subsidiairement en cas d'application de la Convention de Vienne :
- de constater que la société R... AG réclame seulement des dommages et intérêts et a renoncé à l'exécution de la convention liant les parties ;
- de dire que la société B... France doit être exonérée en application des articles 79-1 et 79-5 de la Convention de Vienne.

En tout état de cause :
- de constater que la convention du 26 avril 1991 a été résiliée par la société R... AG le 6 décembre 1993, et qu'elle a opté pour une réparation de l'inexécution alléguée par l'octroi de dommages et intérêts plutôt que d'exiger l'exécution de l'accord ;
- de dire que la société B... France n'est pas responsable de l'inexécution du contrat, ni de sa résiliation imputable à la société R... AG ;
- de dire que la société B... France se trouve également exonérée par application du principe général du droit international postulant la bonne foi et du droit positif suisse en matière d'imprévision ;
- de débouter la société R... AG de l'intégralité de ses prétentions ;
- de la condamner à lui payer la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et frustratoire avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt à intervenir, - de la condamner aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 50.000 francs pour chacune des de ces deux instances.

Très subsidiairement, en cas de condamnation de la société B... France :
- de dire que la société R... AG n'a pas respecté son obligation de minimiser ses pertes alléguées ;
- de réserver en conséquence le chiffrage du préjudice ;
- de désigner un expert ayant mission de procéder à cette estimation du préjudice en tenant compte des obligation incombant à la société R... AG.
Au soutien de ces prétentions, la société B... France affirme que la convention du 26 avril 1991 n'est pas une vente et ne porte pas sur une livraison de 24.000 carters par an. Cet accord vise un chiffre potentiel et hypothétique de 20.000 unités en huit ans, dépendant entièrement des besoins effectifs de la société RVI, dont la société B... France est l'équipementier, ce que n'ignorait pas la société R... AG.
L'intention des parties était claire : il s'agissait de lier les commandes de la société B... France à la société R... AG à celles passées par RVI à la société B... France. La convention conclue à cet effet reste volontairement non quantifiée, le chiffre de 20.000 unités ne représentant qu'un ordre de grandeur, ce que confirment trois éléments de " l'attestation " du 26 avril 1991 :
- la locution " mindestens " (au moins) consacrant une estimation ;
- la prévision contractuelle selon laquelle les quantités effectivement commandées dépendront au fin des années des besoins de l'acheteur final, présent à l'acte même s'il n'en est pas signataire ;
- les estimations actées d'environ 3.000 unités pour l'année 1991, 4.000 unités environ pour 1992, 5.000 environ pour 1993... ainsi que la locution " prognostizierte Lieferquoten " qui signifie non pas " volumes prévus " comme le soutient la société R... AG mais " quantité prévisionnelle ".
Il s'agit d'un accord cadre définissant l'objet, les volumes et certains éléments de détermination future du prix (prix unitaires indicatifs) ainsi que quelques autres éléments de prévision d'ordre matériel. Il fonde, pour le principe, l'engagement de la société B... France de passer commande annuellement et pendant huit ans à la société R... AG les quantités correspondant aux besoins effectifs de la RVI, à qui les carters sont d'un commun accord, expressément et uniquement destinés. Les deux parties ont pris ensemble le risque partagé de se soumettre aux besoins d'un acheteur final, ce que confirme l'historique de leurs relations.

Or l'effondrement brutal du marché de l'automobile a conduit la société RVI à imposer une baisse drastique - près de moitié - du prix des unités livrées de chauffage-climatisation. La société B... France a immédiatement informé la société R... AG de cette décision, et de l'obligation dans laquelle elle se trouvait de revoir ses propres conditions d'achat. La société R... AG n'ayant pas accepté de prendre en compte cette modification du marché, la société B... France a été contrainte de renoncer à se fournir auprès de la société R... AG, et de s'adresser à un tiers, la société C... . La société B... France illustre son propos en rappelant que le prix du carter livré par la société R... AG s'élevait à 458 FCH soit environ 1.880 FF alors que le prix du demi carter livré par la société C... est de l'ordre de 51.40 FF à 46.83 FF/pièce.
La poursuite des relations avec la société R... AG aurait supposer une revente à lourde perte et des sacrifices économiques et financiers intolérables pour l'entreprise.
Or l'évolution du marché était imprévisible au moment de la signature de l'accord.
S'agissant du droit régissant les relations des parties, la société B... France rappelle que l'application de la Convention de Vienne dépend de la qualification qui est donnée au contrat selon des critères propres à cette convention et non par référence à ceux du droit national du for (droit suisse ou droit français).
Or le contrat intitulé " confirmation relative à la collaboration B...-R... " ne présente les caractéristiques ni d'une vente, ni d'une vente " par exécution successives " car, hormis l'obligation de constituer des stocks permettant d'assurer une certaine capacité de livraison, l'accord ne contient aucune obligation à la charge des parties, et ne permet pas de déterminer le volume allégué des choses vendues qui dépend expressément de RVI. Elle constitue seulement, comme son intitulé l'indique un accord de collaboration.
Dès lors ce n'est pas la Convention de Vienne qui doit s'appliquer.
Même dans l'hypothèse contraire, la société B... France serait en droit de se soustraire à toute obligation d'indemnisation de la société R... AG en invoquant à son profit la théorie de l'imprévision, qui est sous jacente aux dispositions de l'article 79 de la Convention de Vienne. En effet, l'économie de l'opération commerciale de collaboration développée par la société B... France avec la société R... AG a été complètement bouleversée par la décision - initialement imprévisible et non négociable - de la société RVI de réduire de moitié le prix d'achat du produit fini, ce qui équivalait pour la société B... France à une augmentation de 100% de ses charges.
Le rapport contractuel liant la société B... France à la société RVI conditionnait celui qui unissait la société B... France et la société R... AG, et en tous cas, faisait partie de l'environnement immédiat de ce contrat en sorte que le tarissement brusque des besoins de la société RVI justifiait l'ajustement ou l'abandon de l'opération dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une clause de " hard ship ".
Compte tenu de cette situation exceptionnelle, la société B... France aurait été en droit de revenir sur des engagements qui auraient eu pour elle des conséquences financières inacceptables.
Dans ce contexte, l'attitude de la société R... AG qui s'est obstinée à s'en tenir au contrat du 26 avril 1991 - dont elle a d'ailleurs fait une analyse erronée - qui a refusé de prendre en compte le bouleversement de l'économie du contrat résultant des contraintes imposées par RVI apparaît tout à fait contraire aux règles générales de bonne foi énoncées tant par l'article 2 du Code civil suisse que par l'article 7 de la Convention de Vienne.
Le recours à la théorie de l'imprévision reste cependant subsidiaire.
Dès lors, à défaut de critère de qualification fourni par une convention de droit international privé, il y a lieu d'appliquer les règles de droit international privé du for qui désignent - tant à l'égard du droit international privé français que du droit international privé suisse - le droit de l'Etat dans lequel est domiciliée la partie débitrice de " la prestation caractéristique non pécuniaire ".

Ici, bien que la convention-cadre ne définisse aucune " prestation " à la charge de l'une ou l'autre des parties, le développement possible du marché met en lumière une activité de production et de livraison de la société R... AG qui peut être assimilée à cette "prestation caractéristique", ce qui revient à se référer au droit suisse ce qu'admet d'ailleurs l'appelante.
Dès lors, à supposer que la société R... AG soit en mesure de démontrer que la société B... France était tenue à l'exécution d'obligations qui n'auraient pas été remplies - ce qui n'est pas le cas - il y aurait lieu de faire application de la théorie de l'imprévision également admise par la doctrine et la jurisprudence suisse, dans des conditions très proches de celle de la Convention de Vienne (disproportion flagrante entre les prestations dues, consécutive à une modification imprévisible des circonstances), pour les motifs déjà énoncés.

La démonstration que la prestation de la société B... France serait devenue exorbitante lui permettrait de s'opposer à une action en dommages et intérêts pour inexécution des obligations contractuelles (article 97 du Code civil suisse) dont la mise en oeuvre suppose la preuve d'une faute imputable au débiteur.
Or d'obligation à la charge de la société B... France il n'en existe aucune et les données approximatives que contient la convention du 26 avril 1991 ne permettent pas de conclure à l'existence d'une obligation implicite. La société B... France rappelle à titre d'illustration, que la quantité de pièces envisagée sur une période de 8 ans est de 20.000, alors que les pronostics de commande pour les 5 premières années atteignent 24.000 pièces...
La société R... AG ne précise d'ailleurs pas le critère qui lui permettrait de déterminer si la société B... France a ou non correctement exécuté le contrat.
La société B... France conteste également l'affirmation de la société R... AG selon laquelle cette dernière ignorait la nature des relations nouées entre la société B... France et la société RVI et rappelle que la convention du 26 avril 1991 se réfère expressément aux "besoins de RVI". Elle insiste sur le fait que par lettre du décembre 1993 la société R... AG a renoncé à l'exécution du contrat pour s'en tenir à une simple demande de dommages et intérêts au demeurant injustifiée.
En effet au regard du droit suisse - comme dans de nombreux instruments internationaux - la victime d'une inexécution contractuelle doit prendre toute mesure pour limiter son préjudice (articles 44 et 99 III du Code des obligations).
De même, l'article 77 de la Convention de Vienne, qui n'est qu'une application du principe de bonne foi, énonce :
"La partie qui invoque la contravention au contrat doit prendre les mesures raisonnables eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y compris le gain manqué résultant de la contravention.
Si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages et intérêts égale au montant de la perte qui aurait dû être évitée."
En l'espèce, il convient d'admettre, à supposer que la société R... AG ait effectivement réalisé les investissements dont elle argue, qu'il lui appartenait pour moins, de rechercher d'autres partenaires commerciaux pour les rentabiliser, ce qu'elle reconnaît ne pas avoir fait.
De plus le préjudice allégué n'est en rien établi, ni quant à la perte du gain attendu, ni quant au stock de carters prétendument constitués. Au regard de l'importance des montants réclamés une expertise comptable serait en toute hypothèse indispensable à l'estimation du préjudice.
La société B... France considère enfin qu'elle est en droit de réclamer à société R... AG des dommages et intérêts pour procédure abusive -100.000 francs - distincts du montant réclamé au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - 50.000 francs.
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour le plus ample exposé de leurs moyens;

Sur la recevabilité de l'appel

II convient de constater que la société B... France qui soulève l´irrecevabilité de l'appel formé par société R... AG dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives, ne fait état d'aucun moyen propre à justifier cette irrecevabilité dans ses écritures.
En l'absence de cause d'irrecevabilité d'ordre public, il y a donc lieu de déclarer l'appel de la société R... AG recevable.

Sur le fond

Le siège social et la personnalité juridique des parties déterminent le caractère international de la convention conclue le 26 avril 1991.
A défaut de précision dans le contrat se pose en conséquence la question du droit applicable au litige qui les oppose.
La Convention des Nations Unies faite à Vienne le 11 avril 1980 relative à la vente internationale de marchandises s'applique "aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant un établissement dans des Etats différents:
- lorsque ces Etats sont des Etats contractants ;
- lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant" (article 1er - 1)

La Convention de Vienne est entrée en vigueur le 1er janvier 1988 en France et le 1er mars 1991 en Suisse. Elle constitue un droit international matériel uniformément applicable en matière de vente internationale.
II en résulte que l'application de cette Convention est liée à la qualification du contrat litigieux. Or, comme l'ont relevé les premiers juges, la Convention de Vienne ne donne pas de définition précise des contrats de vente dont elle entend régir la formation ainsi que les droits et effets qu'ils font naître. Par référence aux dispositions relatives aux obligations réciproques des parties, on peut considérer que relèvent de l'application de ce texte, sous réserve des exclusions visées aux articles 2 et 3, toute convention comportant, à titre principal:
- pour l'une des parties - le vendeur - l'obligation de livrer et de transférer la propriété de marchandises (article 30) ;
- pour l'autre partie, l'acheteur, l'obligation de payer le prix et à prendre livraison de ces marchandises.
L'intitulé de la convention signée le 26 avril 1991 par la société B... France et la société R... AG ("Confirmation relative à l'accord de collaboration entre B... et R...") ne renvoie certes pas directement à un contrat de vente. Il convient toutefois d'observer que la qualification donnée par les parties aux conventions qu'elles concluent, n'est pas un élément déterminant. Ce qu'il importe de déterminer c'est la teneur réelle de leur accord tel qu'il résulte des stipulations particulières dont elles ont convenu.
A cet égard, il sera tout d'abord relevé que les parties sont désignées dans la convention du 26 avril 1991, la société R... AG comme "le fabricant", et la société B... France comme "l'acheteur" (voir parag.l. lignes 1 et 2).
D'autre part et surtout, la marchandise à fournir y est précisément décrite:
"Carters complets 95.028.10.102
- en mousse de polyuréthane dure, nuance résistant aux chocs (BAYDUR 1301)
- poids spécifique: 700 g/dm3
- de couleur noire;
- y compris toutes les pièces rapportées insérées dans la matière expansée;
- conditionnement dans des boîtes en carton réutilisables".

Les quantités à livrer sont déterminées à l'article 2 "Volumes de livraison ainsi qu'il suit:
Au moins 20.000 unités sur un laps de temps de 8 années appelées suivant les besoins de RVI.
Estimations prévisionnelles:
1991 "environ 3.000 unités (sur toute l'année);
1992 environ 4.000 unités;
1993 environ 5.000 unités;
1994 environ 6.000 unités;
1995 environ 6.000 unités."

Si les mots ont un sens, la lecture - et non pas l'interprétation qui ne se justifie qu'en cas d'omission, d'imprécision ou de contradiction apparente - des termes "au moins 20.000 unités" ne renvoie pas à un ordre "approximatif" de grandeur, comme le soutient la société B... France, mais bien à un nombre minimal de 20.000 carters à livrer sur une durée de 8 ans. La référence aux "besoins de RVI" ne se rapporte pas au volume des "livraisons" mais constitue un simple critère de répartition - "d'appel" selon le terme employé dans la convention - des marchandises au cours de la période considérée. Elle ouvre également la possibilité de maintenir les relations entre la société R... AG et la société B... France, sur la base des stipulations de l'accord, au delà des 20.000 unités livrées.
Il n'existe pas de contradiction intrinsèque entre un seuil de livraison précisément fixé à 20.000 unités, et les "besoins" d'un tiers (RVI), nécessairement approximatifs sur une période de 8 ans, mais dont la société B... France pouvait estimer, au vu des accords qu'elle avait conclu à cette époque avec ce client, qu'il atteindraient le chiffre minimal garanti à la société R... AG.
La position de la société R... AG est en parfaite cohérence avec la suite du paragraphe, qui énonce le flux "prévisionnel" - c'est à dire incertain - des livraisons de carters tel qu'envisagé par les parties pour les 5 ans à venir. Bien évidemment le total de ces prévisions annuelles (qui se situe dans le cadre d'une vision optimale de l'exécution de l'accord) est supérieur au seuil minimal des 20.000 unités.
Quant au prix des marchandises, l'accord prévoit non pas des prix " indicatifs comme le soutient la société B... France, mais une méthode tout à fait précise de détermination du prix par référence à :
- des prix unitaires différents en fonction des quantités de carters livrés chaque année (supérieures à 3.500, de 2.500 à 3499, de 1.500 à 2.499 , inférieures à 1.499...) et un prix unitaire fixe au delà des 20.000 unités de base;
- un indice de revalorisation;
- un ajustement des prix unitaires pour les années à venir par référence à des critères précis.
Cette convention prévoit également des modalités de paiement (à 75 jours en francs suisses) de livraison (par 168 unités au minimum) et d'emballage tout à fait précises ainsi qu'une obligation imposée aux deux parties de constituer des "stocks de sécurité" fixé à au moins 168 ensembles pour la société R... AG.
Il est vrai que la convention ne comporte aucune clause imposant expressément à la société B... France l'obligation "d'acheter". Il existe cependant un principe général d'interprétation des conventions selon lequel les contrats doivent s'exécuter de bonne foi et selon ce que la raison commande.
Or il résulte de l'économie générale du contrat - et de la stipulation particulière relative à l'obligation de " constituer des stocks " - que l'obligation de livraison expressément contractée par la société R... AG a pour contrepartie nécessaire l'obligation implicite imposée à la société B... France d´acheter les marchandises que la société R... AG s'est engagée à livrer. La convention qui imposerait à l'une des cocontractants de fabriquer, et de constituer des stocks de marchandises " prêtes à livrer " sur un période de huit ans, sans avoir l'assurance que celui à l'égard de qui elle s'oblige, achètera sa production, serait à la fois incompréhensible et totalement déséquilibrée.
D'ailleurs, l'obligation de " livrer " - et non pas de tenir à disposition - imposée à une partie suppose l'accord préalable de son cocontractant de recevoir la chose au prix convenu et donc, l'engagement de ce dernier de payer le prix de ce qui doit lui être livré.
C'est bien ainsi que l'accord du 26 avril 1991 a été appliqué par les société R... AG et société B... France jusqu'à la fin de l'année 1993 : cette convention comportant l'ensemble des indications nécessaires à sa mise en oeuvre, les ordres de livraison ont été passés par la société B... France sans autre précision que les quantités à livrer et les dates de livraison. D'ailleurs, l'intimée ne produit dans ses pièces aucun " contrat d'exécution " postérieur à l'accord du 26 avril 1991, qui caractériserait - entre autre - " la convention-cadre " qu'elle prétend voir dans cet accord dit " de collaboration ".
Il en résulte que l'accord comporte bien des obligations réciproques de livrer et d'acheter une marchandise déterminée, à un prix convenu, en sorte que la Convention de Vienne est applicable.
L'article 61 de cette Convention dispose :
" Si l'acheteur n'a pas exécuté l'une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat de vente ou de la présente Convention, le vendeur est fondé à (...) demander les dommages et intérêts prévus aux articles 74 à 77. "
S'agissant de l'initiative de la rupture du contrat, il convient de rappeler le termes de la lettre du 6 décembre 1993 adressée par la société B... France à la société R... AG :
'' Nous vous confirmons notre entretien téléphonique de ce jour et vous confirmons que la pièce citée en objet (carter complet - Réf. 95.028.10.102) ne sera plus utilisé pour les séries à compter de mi-janvier 1994. Les pièces actuellement fabriquées suffisent à couvrir le reste des besoins.
A l'avenir cette pièce pourrait être commandée au titre de pièce de rechange. Dans ce cas veuillez nous indiquer les quantités minimales de mise en fabrication ainsi que le prix.
Le sérieux et le professionnalisme qu'a su montrer votre entreprise nous permet d'espérer qu'au cas où de nouvelles pièces en polyuréthane expansé seraient nécessaires nous pourrions les développer ensemble. "
Cette lettre vise bien les marchandises dont il est question dans l'accord du 26 avril 1991.
Il n'est pas sérieusement contestable que la société B... France y exprime sa volonté de mettre fin aux relations contractuelles issues de cette convention puisque :
- d'une part elle énonce clairement qu'elle ne prendra plus désormais livraison des carters fabriqués par la société R... AG ;
- d'autre part, elle demande à cette dernière une nouvelle offre pour la livraison - éventuelle - de pièces de rechange ;
- elle envisage enfin, la conclusion de nouveaux accords dans l'avenir.

S'agissant d'une " confirmation " écrite intervenant à la suite d'un entretien téléphonique au cours duquel cette position avait déjà été clairement exprimée, la société R... AG n'avait d'autre choix que de prendre acte de la décision de sa cocontractante. Il résulte d'ailleurs des pièces, qu'au regard de l'importance de la réduction des coûts imposés à la société B... France, ce n'était pas une renégociation du prix des carters visés dans l'accord du 26 avril 1991 qui était nécessaire mais la fourniture d'une pièce différente et d'un coût de revient bien moindre.
La société R... AG a en conséquence pris acte de la décision de rupture prise par la société B... France par lettre du 21 décembre 1993 :
" Dans votre lettre du 06.12.93 vous nous informiez que R... devait - à partir de fin janvier - interrompre la fourniture de carters de climatiseurs destinés aux camions RVI (...). Nous le regrettons car notre collaboration aurait pu être excellente et positive. "
II n'est pas contesté qu'à la date du 31 décembre 1993, la société B... France avait pris livraison de 8.495 carters, soit un solde de 11.505 carters restant à livrer par rapport à l'engagement de 20.000 unités qu'elle avait contracté.
On peut dès lors considérer que la société B... France n'a pas exécuté l'obligation résultant pour elle du contrat du 26 avril 1991. L'article 79 de la Convention dispose toutefois :
" Une partie n'est pas responsable de l'inexécution si elle prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et que l'on ne pouvait raisonnablement attendre d'elle qu'elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat, qu'elle le prévienne ou le surmonte ou qu'elle en prévienne ou surmonte les conséquences. "
Dans cette hypothèse, le cocontractant est privé du droit de réclamer le versement de dommages et intérêts (article 79. 5 de la Convention).
A cet égard, la société B... France invoque l'effondrement du marché de l'automobile, et plus particulièrement des véhicules industriels, qui a conduit société RVI, l'acheteur final, à modifier radicalement ses conditions d'achat et à imposer à société B... France un prix inférieur de 50% au prix des pièces livrées par la société R... AG.
En sa qualité d´équipementier de la société RVI, la société B... France ne pouvait ni s´opposer, ni faire abstraction de cette décision unilatérale, totalement imprévisible pour elle au moment où l'accord du 26 avril 1991 a été passé avec la société R... AG. Elle considère en conséquence qu'elle est en droit de se prévaloir des dispositions de l'article 79 de la Convention de Vienne.
La société B... France justifie en effet des impératifs de prix de la société RVI par une télécopie du 20 septembre 1996 adressée par cette société à la société B... France :
" Nous vous confirmons la demande par RVI à B... de baisses de coût significatives concernant le groupe de climatisation de notre véhicule MAGNUM en 1992. Le niveau de prix de ce composant pénalisait gravement la rentabilité de ce véhicule.
La baisse nécessaire du coût de la fonction climatisation dont la crise du marché du poids lourd, en 1993, avait accentué le besoin impérieux, n'a été possible que par le remplacement du groupe long par le groupe court. "
Elle démontre également qu'en 1999, la société C... lui fournissait des carters pour RVI à un prix unitaire de 46,93 francs HT à 51,40 francs HT, alors que le prix minimal fixé dans la convention du 26 avril 1991 était de 435 FS l'unité.
La société B... France n'établit pas en revanche la baisse de près de 50% du prix de vente des climatiseurs dont elle argue, dès lors qu'elle ne produit qu'une seule facture - de juin 1991 - de cet appareil. Dans la mesure où une baisse " significative des coûts n'équivaut pas nécessairement à une réduction insurmontable ou " que l'on ne pouvait raisonnablement attendre ", la société B... France ne prouve pas l'état de " nécessité " dans lequel elle s'est trouvée de rompre le contrat.
En admettant même que l'intimée se soit trouvée brutalement contrainte par la société la RVI, de réduire ses coûts dans des proportions telles que son approvisionnement auprès de la société R... AG soit devenu plus incompatible avec les impératifs d'une saine gestion de l'entreprise, rien ne permet de dire que cette modification des conditions de vente de ses produits était imprévisible.
D'ailleurs, à s'en tenir à la télécopie de la société RVI, la crise internationale du véhicule industriel n'a pas précédé, mais suivi sa décision de réduire les prix d'achat des climatiseurs, ce qui démontre que cette décision n'était pas exclusivement liée à l'effondrement brutal du marché.
En toute hypothèse, l'expérience montre que sur une période de huit année des fluctuations de prix, même soudaines et importantes ne sont pas exceptionnelles et a fortiori, pas imprévisibles. Aussi, au moment de s'engager dans le cadre d'une convention d´approvisionnement aussi longue et aussi contraignante que celle du 26 avril 1991,appartenait-il à la société B... France, professionnel rompu à la pratique des marchés internationaux, de prévoir :
- ou bien des garanties d´exécution des obligations contractées à l'égard de la société R... AG ;
- ou bien des modalités de révision de ces obligations.
A défaut il lui appartient d´assumer le risque de l'inexécution.

La société B... France soutient vainement que la société R... AG :
- aurait refusé une clause de " hard ship " si elle avait été proposée, démontrant ainsi que cette demande n'a pas été faite ;
- avait accepté le risque d'une modification des " besoins de la société RVI ", ce qui est contesté et non établi, mais qui démontre pour le moins que la société B... France était consciente de l'existence de ce risque.
Il en résulte que la société B... France ne peut se prévaloir des dispositions de l´article 79 de la Convention de Vienne.

S'agissant dès lors des dommages et intérêts dus, l´article 74 de la Convention de Vienne dispose :
" Les dommages et intérêts pour une contravention au contrat commise par une partie sont égaux à la perte subie et au gain manqué par l'autre partie par suite de la contravention. Ces dommages et intérêts ne peuvent être supérieurs à la perte subie et au gain manqué que la partie en défaut avait prévus ou aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat en considérant les faits dont elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance, comme étant des conséquences possibles de la contravention au contrat. "
La société R... AG met en compte une somme de 3.040.656 CHF correspondant au prix de vente des 11.505 carters qui lui restaient à livrer à la socié B... France après déduction des frais amortissables (matériel, coûts directs et indirects de production, frais de transport) ainsi qu'une somme de 31.806 CHF représentant le coût des matières premières nécessaires à la fabrication des carters destinés à la société B... France, qu'elle avait en stock fin 1993 et qui seraient inutilisables.
Les sommes mises en compte par la société R... AG ne sont pas vérifïables, non plus que l'affirmation selon laquelle les matières premières commandées pour fabriquer les carters de la société B... France ne seraient pas réutilisables.
De plus l'article 77 de la Convention de Vienne dispose : " La partie qui invoque la contravention au contrat doit prendre les mesures raisonnables eu égard aux circonstances pour limiter la perte, y compris le gain manqué résultant de la contravention. Si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages et intérêts égale au montant de la perte qui aurait pu être évitée. "
Outre la revente ou la réutilisation des stocks, il importe également de vérifier si les investissements prétendument réalisés par la société R... AG pour la mise en oeuvre de la convention du 26 avril 1991 n'ont pas pu ou n'auraient pas pu être différemment amortis ou valorisés.
Il importe en conséquence d'ordonner une expertise avant de statuer sur le montant de l'indemnité dû à la société R... AG.
Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent être réservés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et par arrêt avant dire droit, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi : Déclare l'appel régulier et recevable en la forme ;

Au fond :

Infirme le jugement entrepris ;
Dit que la Convention de Vienne est applicable au présent litige ;
Dit que la société B... France a manqué à l'exécution des obligations qu'elle avait contractées à l'égard de la société R... AG dans le cadre de la convention du 26 avril 1991 et qu'elle doit réparer le préjudice qui en est résulté pour l'appelante conformément aux articles 74 à 77 inclus de la Convention de Vienne les dispositions de l'article 79 de cette Convention ne pouvant être invoquées par la société B... France ;
Ordonne une expertise sur l'évaluation de l'indemnité due ;
Désigne M. A... M... , demeurant (...), STRASBOURG, pour y procéder avec mission, après avoir convoqué et entendu les parties ou leurs représentants, s'être fait remettre l'ensemble des documents et pièces nécessaires, procédé à toutes les consultations, investigations et analyses, vues des lieux et auditions qui lui apparaîtraient utiles, déposé un pré rapport et invité les parties à formuler leurs observations dans un délai déterminé, de :
* d'évaluer le gain manqué et la perte subie par la société R... AG à la suite de la rupture du contrat du 26 avril 1991 conformément à ce qui est dit aux articles 74 à 76 de la Convention de Vienne ;
* de rechercher si, conformément à ce qui est dit à l'article 77 de la Convention, la société R... AG n'avait pas la possibilité de limiter ses pertes, notamment en :
- utilisant à d'autres fins ou en revendant les matières premières destinées à la fabrication des carters à livrer à la société B... France ;
- amortissant ou valorisant différemment les investissements réalisés en vue de l'exécution du contrat du 26 avril 1991 ;
* dans l'affirmative chiffrer la réduction des pertes obtenue ;
* faire toutes observations utiles;
Dit que de l'ensemble de ses travaux, l'expert dressera un rapport à déposer en 5 exemplaires, au greffe de la première chambre de la cour d'appel de Colmar dans un délai de 5 mois à compter de sa saisine ;
Subordonne la mise en oeuvre de l'expertise à la consignation par la société R... AG d'une avance de 40.000 francs (quarante mille francs) soit 6.097,96 euros (six mille quatre vingt dix sept euros et quatre vingt seize cents) dont elle devra en mesure de justifier au plus tard le 13 juillet 2001;
Réserve les dépens ainsi que l'application des dispositions de l'article 700 nouveau Code de procédure civile jusqu'à l'issue de l'instance;
Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 21 septembre 2001.}}

Source

Published in French:

University of Saarbruecken Website, http://witz.jura.uni-sb.de/CISG/decisions/120601v.htm}}