Data

Date:
18-12-1997
Country:
France
Number:
Court:
Tribunal de Grande Instance de Colmar
Parties:
Soc. Romay AG v. Soc. Behr France, S.a.r.l.

Keywords

CONTRACT OF SALE - LACK OF A DEFINITION IN CISG

CONTRACT OF SALE - NECESSARY ELEMENTS - SELLER'S OBLIGATION TO DELIVER THE GOODS (ART. 30 CISG) - BUYER'S OBLIGATION TO PAY THE PRICE (ART. 53 CISG).

REQUIREMENT CONTRACT - QUANTITY OF GOODS TO BE DELIVERED ACCORDING TO NEEDS OF BUYER - NO CONTRACT OF SALE.

Abstract

A Swiss seller and a French buyer entered into a framework agreement whereby the latter undertook to purchase a certain quantity of goods according to the needs of its customer. A dispute arose when the buyer refused to take delivery of the goods. The seller brought an action to recover damages based on Art. 74 CISG. The seller objected to the application of the CISG, arguing that the framework agreement did not constitute a contract of sale.

The Court held that the CISG was not applicable to the merits of the dispute. In reaching this result, it observed that the CISG does not contain a definition of contract of sale. However, in the opinion of the Court, the CISG is applicable only if the contract of sale binds the seller to deliver a certain quantiy of goods and the buyer to pay the price (Arts. 30 and 53 CISG). In the case at hand, neither of these obligations existed, because there was no agreement as to the precise quantity of the goods to be delivered.

Fulltext

[…]
La société de droit suisse ROMAY AG (ci-après la société ROMAY) a fait assigner devant ce Tribunal, la S.A.R.L. BEHR FRANCE (ci-après la société BEHR) afin de faire :
- constater que la société BEHR refuse de prendre livraison de 11.505 jeux de carters qu'elle s'était engagée à acheter par contrat du 26 avril 1991.
- condamner la société BEHR au paiement de la contre-valeur en francs français de la somme de 3.071.962 francs suisses à titre de dommages et intérêts en réparation de l'inexécution contractuelle.
- condamner la société BEHR au paiement de la somme de 60.300 F. par application de l'article 700 du N.C.P.C., ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure.

Il est exposé à l'appui de la demande que les parties ont conclu le 26 avril 1991 un accord de livraison sur huit ans d'au moins 20.000 carters que la défenderesse a violé en refusant de prendre livraison des carters dès le 6 décembre 1993.
Elle précise que la compétence de ce Tribunal est déterminée par une clause attributive de juridiction conforme à l'article 17 de la Convention de Lugano, contenue dans le contrat du 26 avril 1991.
Le droit matériel applicable au rapport juridique est issu de la Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale compte tenu de la nature du contrat de 1991. Le droit complémentaire est le droit suisse déterminé selon la règle de conflit de loi figurant dans la Convention de La Haye de 1955.
La société ROMAY explique que selon les termes de l'accord, la société BEHR a contracté une obligation de résultat dans l'achat de 20.000 pièces et une obligation de moyens au delà, selon les besoins de l'acheteur final : la société RENAULT VEHICULES INDUSTRIES (ci-après la société R.V.I.).
Ayant du adapter son matériel de production, la société ROMAY demande réparation du préjudice subi du fait du refus d'achat en application de l'article 74 de la Convention de Vienne.
Elle évalue son préjudice à une somme totale de 3.071.962 francs suisses constitué en un gain manqué.
La demanderesse affirme que la théorie de l'imprévision invoquée par la société BEHR fondée sur les nouvelles conditions imposées par la société RVI, lui est inopposable.
La société BEHR conclut principalement au débouté de la demande en contestant la nature juridique de l'acte du 26 avril 1991.

Subsidiairement, elle entend être exonérée de sa responsabilité en application de la théorie de l'imprévision admise en droit suisse.
Elle ne conteste pas la compétence juridictionnelle de ce Tribunal, ni l'application du droit suisse au fond du litige selon la règle de droit international privé du rattachement au droit du pays de l'exécution de la prestation caractéristique.
La société BEHR expose que la convention du 26 avril 1991 ne porte pas sur une livraison de 24.000 carters par an mais vise un chiffre prévisionnel de 20.000 unités en huit ans dépendant expressément des besoins de la société R.V.I.
L'accord de 1991 n'est pas un contrat de vente ferme à défaut de fixation de la chose et du prix. C'est un accord-cadre définissant des quantités et des prix indicatifs subordonnés aux besoins effectifs de R.V.I.
Elle précise qu'elle avait informé la demanderesse des nouvelles conditions tarifaires imposées par la société R.V.I et du marché automobile.
Ce contrat du 26 avril 1991 n'est pas un contrat de vente au sens des critères de la Convention de Vienne et le code suisse des obligations, applicable au contrat, ne permet pas de déterminer une obligation d'achat à sa charge

Subsidiairement, la société BEHR entend opposer à la demande la théorie de l´imprévision du droit suisse en expliquant que les conditions d'achat imposées par la société R.V.I ont 1 représenté pour elle un cas d'imprévision bouleversant l'économie du contrat qui doit faire échec à la demande.
Elle conclut à la résiliation du contrat à la date du 6 décembre 1993,
Elle fait valoir son absence de responsabilité au regard des articles 79-1 et 79-5 de la Convention de Vienne en précisant que l'interruption de l'achat est due à l'attitude de la société R.V.I. qui constitue une cause extérieure et imprévisible exonératoire. La bonne foi admise en droit international commande aussi l'exonération de sa responsabilité.

Enfin, la société BEHR conteste le chiffrage du préjudice demandé en indiquant qu'un expert peut être nommé.
La société ROMAY maintient qu'elle n'était pas informée des relations existant entre la société BEHR et la société R.V.I. et que ces relations ne lui sont pas opposables.
Elle a réalisé des investissements nécessaires à la production dès la signature du contrat en 1991.
L'engagement d'acquérir 20.000 carters en 8 ans est une obligation de résultat ; seuls les volumes annuels pour les années suivantes étaient prévisionnels.
La référence aux besoins de la société R.V.I. ne concerne que les quantités, au-delà de ce qui a été défini contractuellement.
Elle expose que la société BEHR a acheté les quantités spécifiées au contrat pour les années 91 à 93.
Le contrat s'analyse en un contrat de vente ferme soumis à la Convention de Vienne du 11 avril 1980.
Elle observe que le droit suisse, applicable selon la Convention de La Haye de 1955, qualifie aussi cet accord de contrat de vente. Le droit suisse ne doit s'appliquer qu' à titre complémentaire.

La société BEHR s'était engagée à prendre acquisition de 20.000 carters au moins sur une période de 8 ans. Elle a résilié le contrat le 6 décembre 1993, alors qu'il restait 11.505 carters à acheter.
La société ROMAY indique que les carters qu'elle vendait ne constituent qu'une partie du produit fini vendu à la société R.V.I.
La Convention de Vienne n'exonère une partie de son obligation de dédommagement que s'il est démontré un événement indépendant de la volonté du débiteur, imprévisible et irrésistible. Les nouvelles conditions d'achat imposées par la société R.V.I à la société BEHR ne revêtent pas ces caractères.
S'agissant de l'imprévision du droit suisse, la société ROMAY précise qu'elle ne justifie pas le refus de la défenderesse de prendre livraison des carters
La disproportion qui existerait entre les différents prix n'est pas un cas d'imprévision.

Elle maintient qu'elle a subi un préjudice lié au refus d'achat opposé par la société BEHR selon pièces produites à cet effet.
La société BEHR conteste s'être engagée dans l'achat de 20.000 unités à la société ROMAY. Elle a prévenu la demanderesse des nouvelles exigences de' la société R.V.I. et du marché.

Elle maintient que la Convention de Vienne n'est pas applicable à l'accord du 26 avril 1991 qui ne constitue pas une vente internationale selon les critères de la Convention.
L'accord ne lui impose pas une obligation d'achat et dépend expressément des besoins de R.V.I. Il ne répond pas à la définition de la vente selon le droit suisse.
Les termes de l'acte impliquent que la quantité de 20.000 n'est qu'indicative et dépend de la société R.V.I. Il existe une contradiction entre les grandeurs contenues à l'acte.
L'accord ne constitue qu'une collaboration entre les parties.
Subsidiairement, la société BEHR entend être exonérée de son obligation de dédommagement en application de l'imprévision valable dans la Convention de Vienne selon la règle de la bonne foi, ainsi que dans le droit suisse.
Le rapport qu'elle entretient avec la société R.V.I est déterminant de son engagement avec la société ROMAY.
L'accord ne constitue qu'un contrat-cadre soumis au droit suisse et dont elle n'a violé aucune obligation qui justifie une indemnité. Subsidiairement, elle entend opposer à la demanderesse l'imprévision constituant dans le bouleversement économique impose par la société R.V.I.

SUR QUOI LE TRIBUNAL.

Vu l'ordonnance de clôture du 26 septembre 1997.
La société de droit suisse ROMAY A.G. demande réparation du préjudice résultant pour elle, de l'inexécution par la société BEHR d'un accord conclu entre les parties en date du 26 avril 1991, selon lettre du 6 décembre 1993
La société BEHR résiste à la demande en contestant principalement la nature juridique du contrat, et subsidiairement, en opposant la théorie de l'imprévision tirée du droit suisse.
1. Sur la compétence juridictionnelle.
L'accord contient en son article 8 une clause attributive de juridiction au bénéfice de ce Tribunal.
La Convention de Lugano du 16 septembre 1988 liant la Suisse et la France, calquée sur la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose en son article 17 les conditions de formes et de fond applicables aux clauses dérogatoires de compétence territoriales.
Etant considéré que l'article 8 du contrat satisfait en tous points aux conditions prévues à l'article 17 de la Convention et que les parties s'accordent sur la compétence juridictionnelle de ce Tribunal, il y a lieu de confirmer et maintenir cette compétence.

2. Sur la loi applicable au contrat.
Les parties n'ont déterminé aucune loi applicable au contrat.
La détermination de la loi applicable au contrat suppose préalablement sa qualification juridique au regard notamment des conventions internationales susceptibles de s'appliquer.
Etant considéré la divergence d'appréciation des parties sur la nature juridique de l'acte, il convient de lui restituer son exacte qualification.
L'accord ayant été passé entre deux sociétés de droit différents, il revêt ainsi un caractère international par la qualité des signataires et par son objet.
Il y a lieu préliminairement de rechercher le droit conventionnel matériel applicable au rapport juridique ou à défaut de déterminer la loi applicable.

2.1 Sur l'application de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative à la Vente Internationale.
La Convention de Vienne liant la France et la Suisse constitue le droit matériel uniformément applicable en matière de Vente Internationale. Il convient de vérifier si le présent contrat entre bien dans son champ d'application matériel.
La Convention ne contient aucune définition expresse du contrat de vente internationale. Les éléments de définition peuvent être tirés de certains articles de la Convention, consacrés aux obligations des parties.

En outre, il y a lieu de se référer aux principes énoncés à l'article 7 qui pose les principes d'interprétation de la Convention.
Ainsi, il ressort conjointement des articles 30, 53 et 3 et de façon générale des objectifs de la Convention, qu'un contrat de vente internationale peut se définir comme un contrat comportant deux obligations essentielles et réciproques : une obligation de livraison à la charge du vendeur et une obligation de payer le prix pour l'acheteur, domiciliés tous deux dans deux États signataires différents.
En l'espèce, l'accord ne présente pas explicitement de telles obligations à la charge des parties mais aménage plus largement les rapports de celles-ci, par des quantités prévisibles et imprécises pour fonder immédiatement et de façon certaine une obligation d'achat et une obligation de vente à la charge des parties au regard des critères retenus par la Convention.

L'objet de la Convention ne réglant que les ventes fermes présentes ou successives, il n'y a pas lieu de l'étendre au delà au regard de l'article 7 de la Convention. Il n'existe formellement aucun "accord" sur une quantité déterminée. La Convention n'est dès- lors pas applicable.
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Source

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