Data

Date:
10-10-1997
Country:
Switzerland
Number:
1230
Court:
Cour de Justice Genève
Parties:
F. v. M.P.

Keywords

LIMITATION PERIOD (PRESCRIPTION)- MATTER EXCLUDED FROM SCOPE OF CONVENTION (ART. 4 CISG) - DOMESTIC LAW APPLICABLE

NOTICE OF LACK OF CONFORMITY - TIME OF NOTICE - TWO-YEAR CUT-OFF PERIOD (ART. 39(2) CISG)

CONFLICT BETWEEN DOMESTIC LAW PROVIDING FOR A LIMITATION PERIOD SHORTER THAN THE CISG'S TWO-YEAR CUT-OFF PERIOD

Abstract

A Swiss seller and a French buyer concluded a contract for the sale of acrylic cotton, which the buyer re-sold to a final user. The goods were delivered to the French buyer, who re-delivered them to the final user. When the final user complained that the goods were defective, the French buyer gave notice of non-conformity to the Swiss seller, first by telephone and then in writing, three months after delivery. The French buyer settled the matter with the final user and almost one year later brought an action against the Swiss seller claiming damages for non-conformity.

The seller objected that the buyer's action was time-barred under Swiss domestic law, which provides for a one-year limitation period for warranty claims, running from delivery of the goods (Art. 210(1) of the Swiss Code of Obligations). The court of first instance (Tribunal de première instance de Genève, 14-03-1997) decided in favor of the buyer, holding that the one-year limitation of warranty claims could not be applied and that, instead, the ten-year limitation period for general contractual claims (provided by Art. 127 of the Swiss Code of Obligations) was applicable, so that the buyer's claim was not time-barred. The seller appealed on the issue of the limitation period.

The Court of Appeals decided in favor of the buyer, but on different grounds. The appellate court noted that the matter of limitation period is not governed by CISG (Art. 4 CISG). Since Switzerland has not ratified the UN Convention on the Limitation Period in the International Sale of Goods (New York, 1974), the matter is governed by Swiss domestic law, being the law otherwise applicable to the contract by virtue of the Swiss private international law rules (in the case at hand the 1955 Hague Convention on the law applicable to international sales of goods).

The appellate court, however, rejected the lower court's view that the ten-year limitation period for general contractual claims applies and held applicable the one-year limitation period for warranty claims.

The court further held that the buyer's notice of non-conformity had been timely given, and that although the buyer's action had been brought more than one year after the date of delivery, its claim was not time-barred.

In the opinion of the court, the one-year limitation of warranty claims provided by Swiss domestic law conflicts with the two-year cut-off period provided by Art. 39(2) CISG. The court further noted that this problem arises with respect to other domestic laws, such as German law which solved it by providing that the limitation period begins to run only when a notice of non-conformity under Art. 39 CISG has been given.

On this ground, the court concluded that the Swiss law on the limitation period should be adapted to and harmonized with the Convention, and therefore the one-year limitation period should be extended until the expiry of the two-year cut-off period provided by Art. 39(2) CISG.

Fulltext

[...]

E N F A I T

Moulinages Poizat est une société de droit français ayant son siège à Dunières (France). Sa maison mère est Moulinages Schwarzenbach SA.

Filinter SA est une société anonyme de droit suisse ayant son siège à Meyrin (Genève).

Toutes deux sont des professionnelles de la branche du textile.

En 1994 Moulinages Poizat a commandé à Filinter SA du fil, soit du coton acrylique, commande ayant été exécutée à satisfaction.

Le 21 février 1995, Moulinages Poizat a commandé 3'129 kilos de ce même fil à Filinter SA, qui furent livrés le 1er mars 1995 et ont fait l'objet d'une facture du même jour. Moulinages Poizat n'était pas l'utilisateur final de ce fil, qutelle revendit à un client, la société Schoeller, comme elle l'avait fait auparavant en 1994. Or la société Schoeller informa Moulinages Poizat, par téléphone le 17 mai 1995, puis par courrier le 30 mai 1995, que le fil livré serait défectueux. Filinter SA fut avisée du défaut allégué par téléphone du 22 mai 1995, confirmé par courrier du 9 juin de la même année. Filinter SA répondit le 16 juin 1995 en contestant toute responsabilité.

La maison Schoeller se retourna contre Moulinages Poizat, et les parties trouvèrent un accord aux termes duquel Monlinages Poizat versa une indennité à son client.

Le 29 avril 1996, Moulinages Poizat, soit pour elle sa maison mère Moulinages Schwarzenbach SA, requit une poursuite à l'encontre de Filinter SA à hauteur de 42'109 fr. plus intérêts à 7 % du 1er mars 1995 à titre de dommage subi suite à la mauvaise exécution, ainsi que 10'000 fr. à titre de dommages intérêts. Le commandement de payer fut notifié à Filinter SA le 4 juin 1996 et il y fut fait opposition.

Le 30 juillet 1996, Moulinages Poizat déposa auprès du Tribunal de première instance de Genève une demande en paiement à l'encontre de Filinter SA tendant à obtenir le remboursement des sommes qu'elle avait dû verser à sa cliente Schoeller, ainsi qu'un montant de 10'000 fr. à titre de dommages intérêts.

Dans sa réponse, Filinter SA invoqua la prescription de l'action en garantie par application de l'article 210 CO, exception à laquelle Moulinages Poizat s'opposa.

Le Tribunal rendit son jugement le 14 mars 1997. Il considéra en substance que l'article 210 CO ne pouvait s'appliquer dans la mesure où c'était la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises qui s'appliquait, dont l'article 39 prévoyait un délai de déchéance maximum de deux ans pour se prévaloir d'un défaut de la chose. Le Tribunal considéra que c'était l'article 127 CO qui était seul applicable, et qu'en conséquence l'action en garantie intentée par Moulinages Poizat n'était pas prescrite; sur ce, il ordonna l'onverture d'enquêtes.

Par acte déposé au Greffe de la Cour de céans le 23 avril 1997, Filinter SA interjette appel contre ce jugement. Elle estime que c'est à tort que le premier juge a écarté l' application de l' article 210 CO, et conclut en conséquence à l'admission de son exception de prescription et au déboutement de Moulinages Poizat de ses conclusions.

Moulinages Poizat conclut à la confirmation du jugement entrepris.

E N D R O I T

1. Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, l'appel est recevable. La Cour en connaît avec plein pouvoir d'examen.

Le Tribunal ayant statué sur une exception touchant le fond, il est possible d'en appeler immédiatement.

2. Les parties s'accordent, à juste titre, à admettre:

a) Que la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises est applicable.

b) Que l'article 39 de ladite Convention prévoit un délai de déchéance pour se prévaloir des défauts, mais que la Convention ne règle pas la question de la prescription de l'action en garantie, ce qui est confirmé par la doctrine (cf. notamment Honsell, Vogt, & Wiegand, Commentaire ad art. 211 CO éd. 1996 p. 1171, Honsell, Schw. Obl. besonderer Teil éd. 1997 p. 141 ch. VI).

c) Que la Convention de New York du 14 juin 1974 n'est pas applicable, car n'ayant pas été ratifiée par la Suisse.

d) Qu' en conséquence c' est la LDIP, et plus particulièrement son article 118 al. 1 qui s'applique.

e) Que par renvoi de l'article 118 al. 1 LDIP à la Convention de la Haye du 15 juin 1955 le droit applicable est celui de la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle ou son établissement au moment où il recoit la commande, en l'occurrence le droit suisse.

f) Que selon l'article 210 al. 1 CO l'action en garantie d'une vente mobilière se prescrit par un an dès la livraison faite à l' acheteur, même si ce dernier n'a découvert les défauts que plus tard.

g.) Que la livraison est interveune le ler mars 1995 et que le premier acte interruptif de prescription est intervenu le 29 avril 1996.

h) Que Moulinages Poizat a donné l'avis des défauts à temps en respectant le délai de l'article 39 de la Convention de Vienne (écriture d'appel de Filinter SA p. 5 Par. 1 et mémoire de première instance de Moulinages Poizat du 5 décembre 1996 p. 6 ch. 17), scit au plus tard en juin 1995.

3. Il n'empêche que le problème soulevé par la doctrine (Honsell, Vogt et Wiegand et Honsell op. cit.), soit la prescription de l'action en garantie selon le droit suisse, alors que l'avis des défauts selon la Convention de Vienne est toujours possible, subsiste.

La difficulté provient du fait que le droit suisse (art. 201 al. 1 CO) ne prévoit pas - contrairement à la Convention de Vienne - un délai maximum pour se prévaloir des défauts (2 ans), mais qu'en tout état l'action en garantie se prescrit par un an dès la livraison faite à l'acheteur (art. 210 al. 1 CO) .

Cette collision de normes est également connue des droits étrangers, notamment du droit allemand qui a trouvé une solution en ce sens que le délai de prescription ne commence à courir qu'à partir de la dénonciation selon l'article 39 de la Convention de Vienne (Honsell op. cit.). En Suisse, non seulement la doctrine, mais déjà le message du Conseil fédéral relatif à la ratification de la Convention de Vienne (FF 1989 p. 755), ont été conscients du problème. Plusieurs solutions ont été proposées, notamment l'application du délai de prescription ordinaire en matière contractuelle (art. 127 CO).

Saisi d'une question non résolue par la loi - et discutée par la doctrine - le juge doit lui-même se prononcer selon les règles qu'il établirait s'il avait à faire acte de législateur (art. 1 al. 2 CC).

Dans cette optique, il convient de trouver la solution la plus conforme possible à la législation suisse (soit le code des obligations), tout en respectant la réglementation résultant de la Convention de Vienne, puisque, dans le cadre des contrats de vente internationale, l'article 210 al. 1 CO est en contradiction avec une norme postérieure introduite par une convention internationale (article 39 de la Convention de Vienne).

La Cour estime qu'il convient d'adapter l'article 210 al. 1 CO à la Convention de Vienne, plutôt que d'appliquer une autre règle de droit suisse en matière de prescription (Convention de Vienne de 1980, colloque de Lausanne de novembre 1984, dans Publications de l'Institut suisse de droit comparé no 3 p. 102, FF 1989 p. 755). C'est la raison pour laquelle la Cour considère qu'il convient d'adapter les deux délais (art. 210 al. 1 CO et art. 39 Convention de Vienne) l'un à l'autre en faisant coincider le délai de prescription de l'article 210 al. 1 CO avec le délai maximum de déchéance de l'article 39 de la Convention (2 ans). Cette solution a pour elle la logique, dans la mesure où elle ne modifie pas fondamentalement l'article 210 al. 1 CO (le délai de prescription correspond au délai maximum de déchéance), mais l'harmonise avec la nouvelle législation.

Il s'ensuit que l'action de Moulinages Poizat n'est pas prescrite, puisqu'intentée dans le délai de 2 ans retenu par la Cour.

Le jugement du Tribunal sera donc confirmé, par substitution de motifs.

4. Vu l'accord des parties et l'incertitude juridique existant dans le cas d'espèce, les dépens seront compensés.

P a r c e s m o t i f s

L a C o u r

A la forme:

Déclare recevable l'appel interjeté par Filinter SA contre le jugement no 3900/1997 du Tribunal de première instance du 14 mars 1997 dans la cause no C/21501/96-10.

Au fond:

Confirme ledit jugement.
Compense les dépens d'appel.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.

[...]}}

Source

Original in French:
- Unpublished

Commented on by:
- M.R. Will, in: Schweizerische Juristen Zeitung (SJZ), nr. 6, 1998, 146
- C. Witz, Obs. à C. justice Genève 10 oct. 1997, in Recueil Dalloz, 1998, Somm. 316}}