Data

Date:
21-11-2023
Country:
France
Number:
21/01330
Court:
Cour d‘appel de Besançon
Parties:
R&R Manufacturing S.A.S. v. Everestt International Industries Ltd

Keywords

PARTIAL DEROGATION OF CISG - EXPRESS DEROGATION (ART. 6)

LACK OF CONFORMITY - TIMELY NOTICE OF LACK OF CONFORMITY - CONTRACTUAL AGREEMENT FOR DIFFERENT PERIOD OF GUARANTEE (ART. 39(2)CISG)

Abstract

[Abstract prepared by Mira Ghazzoul, La Sapienza University of Rome]

A Chinese company concluded a sales contract for a certain quantity of electric bicycles with a French company specializing in the resale of cycles and accessories. An initial 10% deposit was paid, with the balance due sixty days after the issuance of the bill of lading. The goods were shipped in five installments. The French buyer paid two of the five issued invoices while refusing to pay the other three because it alleged that the delivered bicycles had required significant post-sale service expenses. Following unsuccessful attempts to recover the outstanding amounts, the seller initiated legal proceedings against the buyer.

The first instance Court found that, as indicated in the invoices, the sales contract was subject to Chinese law, and the Convention applied as a result. The Tribunal, however, considered that the parties had stipulated a one-year contractual warranty derogating from Art. 39 CISG, thus resulting in an exclusion of the Convention. Further, the Tribunal established that the alleged defects affected only a limited percentage of the delivered bicycles, with a sufficient sales margin to cover the extra costs for post-sale service. The buyer challenged the decision before the Court of Appeal.

The Appeal Court declared that CISG applied to the contract, as both parties had their places of business in two contracting States (Art. 1(1)(a) CISG). In so doing, the Court, after noting that Art. 35 CISG enshrines a unitary notion of non-performance, made it clear that the lower Court had erred in excluding the application of the Convention after initially admitting its applicability. In fact, in the view of the Appellate Court, the Tribunal wrongfully considered that the maximum period of two years provided for by Art. 39 of the Convention for the notice of lack of conformity was incompatible with the one-year contractual guarantee agreed between the parties, thus resulting into an exclusion of the Convention. Conclusively, the Court held that the dispute had to be resolved according to the rules in the CISG and not by applying Chinese law.

The Court, however, observed that there was no evidence that the one-year guarantee had been stipulated and agreed upon between the parties. Also, the Court considered that the issue of the length of the period for notifying non-conformity of the goods did not have a decisive impact, as the buyer had failed to convincingly demonstrate the existence of defects, particularly concerning the quality of the batteries. Therefore, the Appeal Court rejected the buyer’s claim.

Fulltext

La société de droit chinois Everestt International Industries Ltd (Everestt) est spécialisée dans l’exportation depuis la Chine de deux-roues, et notamment de vélos à assistance électrique.
La SAS Proxy Cycle Company est spécialisée dans la vente de cycles et accessoires.
Dans le cadre de relations commerciales établies depuis plusieurs années, la société Proxy 2 Cycle Company a, au mois de novembre 2017, passé commande auprès de la société Everestt d’un certain volume de vélos à assistance électrique pour un prix total de 1 018 439 USD. La société Proxy Cycle Company s’est acquittée d’un acompte de 10% à la commande, le solde étant stipulé payable 60 jours après l’émission du connaissement maritime (bill of lading).
Les marchandises ont été expédiées par containers en cinq lots, respectivement les 21 février 2018, 10 mars 2018 (deux expéditions), 18 mars 2018 et 15 avril 2018. Chaque expédition a donné lieu à l’émission d’une facture, dont le montant total s’est élevé à 1 019 325 USD.
Le 6 mars 2018, la société Proxy Cycle Company a fait apport de son fonds de commerce à sa filiale, la SAS R&R Manufacturing.
Les sociétés Proxy Cycle Company et R&R Manufacturing ont acquitté dans leur intégralité 4 deux des cinq factures émises par la société Everestt, mais n’ont réglé les trois autres que partiellement, au motif de l’existence de désordres affectant les cycles livrés, ayant imposé des dépenses importantes pour assurer le service après-vente auprès de la clientèle.
Par courrier recommandé, la société Everestt, faisant valoir que les sommes impayées s’élevaient à 542 673,50 USD, et qu’elle acceptait de prendre en compte le coût de réparations à hauteur de 2 302,58 USD, a vainement mis en demeure les deux sociétés de lui régler une somme de 540 371,22 USD.
Par exploit du 21 juillet 2020, la société Everestt a alors fait assigner les sociétés Proxy Cycle 5 Company et R&R Manufacturing devant le Tribunal de commerce de Besançon en paiement des sommes restant dues, au visa des articles 1103 et 1344-1 du Code civil, et 514 du Code de procédure civile.
La demanderesse a fait valoir que la société R&R Manufacturing était tenue envers elle au même titre que la société Proxy Cycle Company dès lors qu’elle avait repris les engagements de cette dernière, et s’est opposée à la demande reconventionnelle au motif que la preuve des désordres allégués n’était pas rapportée, et que la garantie des vices cachés du droit français n’était pas applicable, alors que le litige était soumis au droit chinois, lequel ne prévoyait qu’une garantie de conformité d’un an à compter de la date de livraison.
La société R&R Manufacturing a sollicité le rejet des prétentions formées à son encontre au 6 motif qu’elle n’était pas liée contractuellement à la société Everestt. A titre subsidiaire, elle a réclamé le débouté en invoquant un manquement de la demanderesse à son obligation de garantie, et la mise en oeuvre de l’exception d’inexécution. Plus subsidiairement, elle a sollicité une expertise judiciaire.
A titre reconventionnel, elle a conclu à la condamnation de la société Everestt à lui payer les sommes de:
- 128 608,32 euros au titre du coût des pièces nécessitées par les interventions effectuées sur les vélos concernés au titre du service après vente;
- 20 000 euros au titre de l’indemnisation du temps nécessité par ces interventions;
- 19 620 euros en remboursement d’une somme versée à un tiers au titre d’une commande annulée;
- 100 000 euros au titre de son préjudice commercial, résultant notamment de la perte de l’un de ses distributeurs.
Par jugement rendu le 9 juin 2021 en l’absence de comparution de la société Proxy Cycle 7 Company, le Tribunal de commerce a:
- jugé recevable et bien fondée l’action de la société Everestt International Industries Ltd à l’encontre de la société R&R Manufacturing;
- jugé irrecevable l’action de la société Everestt International Industries Ltd à l’encontre de la société Proxy Cycle Company;
- jugé infondée l’exception d’inexécution invoquée, à titre subsidiaire, par la société R&R Manufacturing;
- jugé infondée la demande reconventionnelle formée par la société R&R Manufacturing;
En conséquence,
- rejeté la demande formée par la société R&R Manufacturing visant à voir écarter des débats les pièces produites par la société Everestt International Industries Ltd;
- rejeté l’exception d’inexécution invoquée, à titre subsidiaire, par la société R&R Manufacturing;
- débouté la société R&R Manufacturing de sa demande d’expertise judiciaire formée à titre infiniment subsidiaire;
- débouté la société R&R Manufacturing de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles;
- condamné la société R&R Manufacturing à payer à la société Everestt International Industries Ltd la contrevaleur en euros de la somme de 540 371,22 US dollars;
- condamné la société R&R Manufacturing à payer à la société Everestt International Industries Ltd les intérêts moratoires, au taux légal, exigibles à compter du courrier de mise en demeure adressé à la défenderesse le 25 novembre 2019, jusqu’à parfait règlement;
- condamné la société R&R Manufacturing à verser à la société Everestt International Industries Ltd la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;
- condamné la société R&R Manufacturing aux entiers dépens de la première instance;
- rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement formée par la société Everestt International Industries Ltd;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes;
- liquidé les dépens du jugement à la somme de 94,34 euros. Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu:
- qu’il n’y avait pas lieu d’écarter des débats les pièces en langue chinoise produites par la demanderesse, dès lors qu’elle les avait fait traduire par un traducteur assermenté, et qu’elles étaient à l’avantage des défenderesses comme justifiant des paiements qu’elles avaient effectués;
- que l’apport, comme la cession d’un fonds de commerce n’emportait pas, sauf stipulation contraire expresse, transmission des engagements envers les tiers; qu’en l’espèce, le traité d’apport prévoyait l’apport du carnet de commande, sans plus de précision, c’est-à-dire des créances de la société Proxy Cycle Company, et non des commandes passées par celle- ci envers ses fournisseurs; que, toutefois, par message «Wechat» du 8 juin 2018, M. [M] [K], dirigeant commun des sociétés Proxy Cycle Company et R&R Manufacturing, a demandé à la société Everestt de refaire toutes les factures au nom de la socité R&R Manufacturing afin que celle-ci puisse les régler; que cette société s’était acquittée partiellement de ces factures libellées à son propre nom; qu’un extrait du grand livre fournisseur de la société R&R Manufacturing démontrait qu’elle avait inscrit ces factures dans ses comptes; qu’elle avait adressé à la société Everestt de nombreux courriels concernant des demandes de prise en charge au titre de la garantie; qu’il apparaissait ainsi que la société R&R Manufacturing avait bien repris les engagements contractuels de la société Proxy Cycle Company vis-à-vis de la société Everestt, de sorte que celle-ci était recevable à agir à son encontre:
- que les engagements ayant été repris par la société R&R Manufacturing, l’action était irrecevable à l’encontre de la société Proxy Cycle Company;
- qu’il était produit tous éléments attestant de la réalité et de l’exigibilité du montant restant dû au titre des factures;
- sur le droit applicable, que la vente était soumise au droit chinois comme cela ressortait de la mention apposée sur les factures proforma émises par la société Everestt les 17 et 20 novembre 2017; que la garantie des vices cachés prévue à l’article 1641 du Code civil n’était pas d’ordre public international, comme l’avait à plusieurs reprises confirmé la Cour de cassation; que la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 avait été ratifiée par la Chine le 11 décembre 1986, et qu’elle était applicable à la vente litigieuse nonobstant toute disposition contraire pouvant exister en droit chinois; que cette Convention prévoyait en son article 39 que l’acheteur était déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonçait pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises avaient été remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d’une garantie contractuelle; qu’en l’espèce les marchandises bénéficiaient d’une garantie contractuelle de conformité d’un an à compter de leur livraison, lequel était incompatible avec le délai maximum de deux ans de l’article 39 de la Convention de Vienne, de sorte que c’était bien ce délai contractuel d’un an à compter de la livraison qui trouvait à s’appliquer;
- que la société R&R Manufacturing reprochait à la société Everestt de multiples défauts affectant les cadres, fourches, batteries, roues libres d’un certain nombre de vélos; qu’elle n’apportait cependant aucun élément permettant de savoir si les défauts concernaient des marchandises acquises auprès de la société Everestt et encore couvertes par la garantie contractuelle de conformité d’un an, qu’elle n’avait jamais fourni à la sociétéEverestt les éléments précis, complets et objectifs permettant de justifier l’existence des défauts, qu’elle aurait pu, de longue date, solliciter une expertise judiciaire afin d’attester de manière indiscutable de la réalité des défauts, que la société Everestt répondait point par point, éléments justificatifs à l’appui, à toutes les réclamations parfois incohérentes et proposait systématiquement des solutions, que la société R&R Manufacturing n’avait jamais retourné les pièces ou marchandises défectueuses, qu’elle n’avait pas été diligente, n’avait pas mis la demanderesse en mesure de fournir des pièces de rechange et que cette dernière avait, au contraire, pris en charge certains désordres sous forme de déductions sur factures; qu’en tout état de cause les défaillances alléguées ne concernaient qu’un faible pourcentage des 3 000 vélos achetés par les sociétés Proxy Cycle Company et R&R Manufacturing entre 2016 et 2018, que la marge commerciale était confortable et suffisante pour permettre à la société R&R Manufacturing de faire face aux quelques demandes de service après-vente non couvertes par la garantie de conformité; que les demandes relatives à la prise en charge de pièces détachées et de temps au titre du service après-vente devaient donc être rejetées;
- s’agissant de la demande relative au remboursement d’une commande auprès de la société Léon Cycle, et annulée par celle-ci, qu’il n’était démontré, ni qu’il existait un lien capitalistique entre cette société et la société Everestt, ni que le litige avec la société Everestt serait à l’origine de l’annulation de cette commande; qu’il n’existait donc aucun fondement juridique imposant à la société Everestt de rembourser cette somme;
- s’agissant du préjudice commercial, qu’il n’était produit aucun élément attestant de la cessation de la relation entre la société R&R Manufacturing et son distributeur d’[Localité 2] du fait des problèmes de qualité allégués;
- que le Tribunal était suffisamment informé au vu des très nombreuses pièces versées par les parties, et que la demande d’expertise apparaissait pour le moins tardive.
La société R&R Manufacturing a relevé appel de cette décision le 19 juillet 2021, en n’intimant 8 que la société Everestt.
Par conclusions n°2 transmises le 6 janvier 2023, la société R&R Manufacturing, devenue 9 SAS Groupe Virage, demande à la Cour:
Vu les articles 1103 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
Vu le droit des contrats de la République populaire de Chine
- de réformer le jugement déféré;
Et statuant à nouveau
À titre principal
- de dire et juger que la société Groupe Virage bénéficie de la garantie légale des vices cachés;
- de dire et juger que les livraisons objet des demandes de Everestt sont affectées de vices cachés;
En conséquence,
- de dire et juger que la société Groupe Virage est bien fondée à invoquer l’exception d’inexécution;
- de débouter la société Everestt de toutes ses demandes vis-à-vis de la société Groupe Virage;
- de condamner la société Everestt à verser à la société Groupe Virage la somme de 128 608,32 euros qui sera payée par compensation avec les sommes auxquelles la société Groupe Virage serait condamnée;
A titre subsidiaire
- d’ordonner une expertise de l’ensemble des pièces en possession de la société Groupe Virage;
- d’accorder à la société Groupe Virage des délais de paiement de grâce sur une période de 24 mois;
À titre reconventionnel
- de condamner la société Everestt à verser à la société Groupe Virage la somme de 20 000 euros au titre de la mobilisation des équipes de la société Groupe Virage à gérer les réclamations des clients;
- de condamner la société Everestt à verser à la société Groupe Virage la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice commercial;
- de condamner la société Everestt à verser la société Groupe Virage la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
- de condamner la société Everestt aux entiers dépens de la procédure.
Par conclusions n°2 notifiées le 23 mars 2023, la société Everestt demande à la Cour: 10 Vu l’article 158 de la Loi des contrats de la République populaire de Chine,
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sous réserve de réduire la créance de la société Everestt International Industries Co. Ltd à l’encontre de la société Groupe Virage à la somme de 457 011,22 US dollars;
En tout état de cause:
- de condamner la société Groupe Virage à verser à la société Everestt International Industries Co. Ltd la somme de 30 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;
- de condamner la société Groupe Virage aux entiers dépens de la présente instance.
La clôture de la procédure a été prononcée le 29 août 2023.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la Cour,
A titre liminaire, il sera relevé que, si la société Groupe Virage a relevé appel de la disposition 12 du jugement déféré ayant déclaré recevable l’action dirigée à son encontre par la société Everestt, elle ne saisit cependant la Cour d’aucune fin de non-recevoir, et ne critique
en réalité le jugement que sur le fond, de sorte que la confirmation s’impose s’agissant de la recevabilité.
Sur la loi applicable
S’agissant d’un litige comportant un élément d’extranéité tenant au siège à l’étranger de l’un 13 des cocontractants, et si la compétence du juge français pour connaître de l’affaire n’est en l’espèce pas contestée par les parties, il y a néanmoins lieu de déterminer la loi applicable à
la résolution du litige.
A cet égard, et dès lors que la société Everestt revendique l’application de la loi chinoise, il ne saurait, comme le soutient l’appelante, être statué selon le droit français du seul fait que son adversaire visait des articles du Code civil français dans le cadre de son assignation initiale.
Comme l’ont pertinemment rappelé les premiers juges, les contrats de vente internationale de marchandises sont soumis à la Convention des Nations Unies conclue à Vienne le 11 avril
1980, dite CVIM, lorsqu’ils impliquent des personnes ayant leur établissement dans des Etats contractants à cette Convention. Or, tel est le cas en l’espèce, dès lors que tant la France que
la Chine, pays où les parties sont respectivement établies, ont ratifié la Convention.
L’article 1er de la Convention CVIM dispose en effet que:
«1 La présente Convention s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents:
a) lorsque ces Etats sont des Etats contractants; ou
b) lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un Etat contractant.
2 Il n’est pas tenu compte du fait que les parties ont leur établissement dans des Etats différents lorsque ce fait ne ressort ni du contrat, ni de transactions antérieures entre les parties, ni de renseignements donnés par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat.
3 Ni la nationalité des parties ni le caractère civil ou commercial des parties ou du contrat ne sont pris en considération pour l’application de la présente Convention.»
C’est vainement qu’il est argumenté par l’appelante que la Convention ne prévoyait qu’un mécanisme de garantie en cas de défaut de conformité, de sorte qu’elle ne trouverait pas application lorsque la problématique soulevée par l’acheteur tenait, non à la conformité des produits à la commande, mais, comme en l’espèce, à un vice altérant leur qualité. En effet, la conformité des marchandises, telle qu’elle résulte de la Convention, s’entend de manière plus
large qu’en droit interne français, en ce qu’elle englobe également les vices pouvant affecter les marchandises, ainsi qu’il ressort de son article 35, selon lequel:
«1 Le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat, et dont l’emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat.
2 A moins que les parties n’en soient convenues autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que si:
a) elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type;
b) elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, sauf s’il résulte des circonstances que l’acheteur ne s’en est pas remis à la compétence ou à l’appréciation du vendeur ou qu’il n’était pas raisonnable de sa part de le faire;
c) elles possèdent les qualités d’une marchandise que le vendeur a présentée à l’acheteur comme échantillon ou modèle;
d) elles sont emballées ou conditionnées selon le mode habituel pour les marchandises du même type ou, à défaut de mode habituel, d’une manière propre à les conserver et à les protéger.
3 Le vendeur n’est pas responsable, au regard des alinéas a) à d) du paragraphe précédent, d’un défaut de conformité que l’acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat.»
Ensuite, c’est à tort qu’après avoir admis l’applicabilité à l’espèce de la Convention de Vienne, 18 les premiers juges en ont ensuite écarté l’application effective au motif que le délai maximal
de deux ans qu’elle prévoit à son article 39 au profit de l’acheteur pour dénoncer les défauts
de conformité est incompatible avec la garantie contractuelle d’une durée d’un an stipulée
entre les parties. En effet, si elle a pour effet d’exclure l’application du délai de garantie instauré par la Convention CVIM au profit du délai de garantie contractuellement stipulé, cette circonstance n’entraîne pas pour autant l’inapplicabilité de la Convention elle-même au contrat.
Le litige devra donc être tranché par application des règles posées par la Convention de Vienne 19 du 11 avril 1980, et non par le droit chinois, comme retenu par le Tribunal de commerce.
Sur le fond
Pour poursuivre l’infirmation de la décision déférée, et s’opposer à la demande en paiement du solde du prix de vente, la société Groupe Virage invoque, d’une part, l’exception d’inexécution, d’autre part la garantie des vices cachés.
1° Sur l’exception d’inexécution
Le mécanisme de l’exception d’inexécution, que la société appelante tire vainement des droits français et chinois, puisqu’ils ne sont pas applicables au présent litige, est toutefois également
prévu par la Convention de Vienne du 11 avril 1980, qui énonce en effet à son article 71 que:

«1 Une partie peut différer l’exécution de ses obligations lorsqu’il apparaît, après la conclusion du contrat, que l’autre partie n’exécutera pas une partie essentielle de ses obligations du fait:
a) d’une grave insuffisance dans la capacité d’exécution de cette partie ou sa solvabilité; ou
b) de la manière dont elle s’apprête à exécuter ou exécute le contrat.»
Sur le bien-fondé, il doit être rappelé que l’inexécution dont il est fait grief au vendeur doit concerner les obligations dues par celui-ci au titre des contrats dans lesquels le solde du prix
a été retenu, de sorte qu’en l’espèce seuls d’éventuels problèmes de qualité affectant les marchandises objets des contrats concernés par le défaut de paiement peuvent être pris en considération.
Or, la globalisation faite par l’appelante des dommages dont elle se plaint, et qui concerne, de son propre aveu, tant des marchandises livrées dans le cadre des contrats pour lesquels le paiement est refusé, que des marchandises livrées dans le cadre de contrats antérieurs, dont
le règlement a été effectué, ne permet pas de se prononcer sur l’exception d’inexécution qui
fonde la demande. En effet, faute de pouvoir rattacher les désordres à des véhicules clairement identifiés comme ayant été livrés dans le cadre des contrats non soldés, la réalité du manquement et sa gravité ne peuvent pas être cernées de manière précise.
2° Sur les vices cachés
L’article 39 de la Convention de Vienne énonce que:
«1 L’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut dans un délai raisonnable à partir du moment où il l’a constaté ou aurait dû le constater.
2 Dans tous les cas, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d’une garantie contractuelle.»
Pour conclure à l’inapplicabilité de cette disposition au cas d’espèce, la société Everestt fait valoir que le délai qu’elle prévoit est incompatible avec la garantie contractuelle d’un an qui a
été stipulée entre les parties. C’est ce qu’ont retenu les premiers juges. Toutefois, la Cour observe qu’alors que cette garantie d’un an est contestée par l’appelante, il n’est produit strictement aucune pièce de nature à établir de manière certaine qu’elle a réellement été stipulée, et acceptée par la société Groupe Virage, respectivement par la société Proxy Cycle Company, aux droits de laquelle elle vient.
En tout état de cause, la question de savoir si le délai ouvert à l’acheteur pour dénoncer les défauts de conformité est d’une durée d’un an ou de deux ans est sans réel emport, dès lors
que la société Everestt n’argumente pas spécialement sur le fait que la société Groupe Virage aurait émis ses contestations relativement à la qualité des produits livrés de manière tardive, mais fait valoir leur mal fondé quant au fond.
A cet égard, c’est aux termes d’une motivation circonstanciée, que la Cour fait sienne, et qui est toujours d’actualité pour n’être pas utilement combattue par les éléments versés aux débats à hauteur d’appel, que les premiers juges ont écarté comme insuffisamment caractérisée l’invocation par l’acheteur de vices affectant les marchandises livrées.
Il sera souligné que les éléments produits par l’appelante ne permettent pas de déterminer de manière précise le nombre de véhicules impactés par des désordres, ni la nature exacte
des désordres affectant chacun d’eux, pas plus que les contrats auxquels les véhicules peuvent
être rattachés. S’agissant plus particulièrement des batteries, s’il est soutenu que 73% des produits livrés seraient atteints de désordres, force est de constater que ce chiffre ne représente absolument pas le pourcentage de défaillance des batteries livrées, mais, d’après
les propres calculs effectués par l’appelante, seulement celui des défaillances reconnues par la société Everestt sur le très faible nombre de batteries qui lui ont été retournées, ce dont il ne peut bien évidemment être tiré aucune conclusion d’ordre général, alors que les problèmes constatés sur les quelques produits retournés au vendeur ont été compensés par celui-ci au moyen d’une réduction de prix. De même, les constatations opérées par des sociétés n’ayant aucunement la qualification d’expert sur un nombre très réduit de batteries, alors au surplus que celles-ci avaient été livrées depuis plusieurs années, ce dont il résulte une nécessaire perte de performances s’agissant de pièces d’usure, ne saurait valoir, sur la seule foi d’une affirmation non autrement étayée, démonstration d’un défaut de qualité affectant les milliers de pièces livrées.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a écarté la demande tendant à la restitution d’une partie du prix, et correspondant au coût de pièces détachées.
4° Sur la demande subsidiaire d’expertise
Le Tribunal sera approuvé en ce qu’il a rejeté la demande d’expertise présentée par la société Groupe Virage, laquelle, outre qu’elle est particulièrement tardive au regard de la date de livraison des marchandises concernées, n’a d’autre objet que de pallier à la carance probatoire de l’appelante.
3° Sur le paiement du prix
La société groupe Virage échouant dans ses prétentions relatives à voir consacrer l’exception d’inexécution et l’existence de vices cachés, est tenue de payer le solde du prix de vente des marchandises qui lui ont été livrées.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande formulée en ce sens par la société Everestt, sauf à en ramener le quantum à la contrevaleur en euros de la somme de 457 011,22 USD, pour tenir compte des règlements intervenus en cours de procédure.
4° Sur les délais de paiement
Cette demande, formée pour la première fois à hauteur de Cour, ne pourra qu’être rejetée, dès lors que l’appelante ne verse aux débats aucune pièce comptable de nature à justifier
d’une situation légitimant l’octroi de délais de grâce.
5° Sur les demandes reconventionnelles
L’appelante réclame à titre reconventionnel la condamnation de l’intimée à lui verser à titre de dommages et intérêts une somme de 20 000 euros en réparation du temps passé par ses équipes à gérer les réclamations des clients, et un montant de 100 000 euros en réparation
de son préjudice commercial, résultant de la perte de chiffre d’affaires générée par la rupture
de ses relations avec son distributeur d’[Localité 2].
Toutefois, dès lors que ces demandes reposent sur l’allégation de problèmes récurrents de qualité imputables au vendeur, dèjà invoqués au soutien de l’exception d’inexécution et de la garantie des vices cachés, et dont il a été précédemment retenu qu’ils étaient insuffisamment démontrés, ces demandes ne peuvent qu’être rejetées.
Le jugement querellé sera également confirmé de ce chef. Sur les autres dispositions
La décision déférée sera confirmée s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La société groupe Virage sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 5 000 euros au profit de l’intimée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 juin 2021 par le Tribunal de commerce de Besançon, sauf à ramener le quantum de la condamnation prononcée au bénéfice de la société de droit chinois Everestt International Industries Ltd au titre du paiement du solde des factures à la contrevaleur en euros de la somme de 457 011,22 USD;
Y ajoutant:
Rejette la demande de délais de paiement présentée par la SAS Groupe Virage, anciennement dénommée R&R Manufacturing;
Condamne la SAS Groupe Virage aux dépens d’appel
Condamne la SAS Groupe Virage à payer à la société de droit chinois Everestt International Industries Ltd la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.}}

Source

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