Data

Date:
26-10-2022
Country:
France
Number:
20-22.528 / 621 F-B
Court:
Cour de Cassation
Parties:
Ipso Facto S.A.S. et al. v. Win System Int‘l Ltd.

Keywords

TWO-YEAR TIME LIMIT FOR NOTICE OF LACK OF CONFORMITY ESTABLISHED BY ART. 39(2) CISG - NOT TO BE UNDERSTOOD AS FIXING A LIMITATION PERIOD WHICH WHICH JUDICIAL PROCEEDINGS SHOULD BE INITIATED BY BUYER

Abstract

A French seller and a Chinese buyer concluded a sales contract regarding wine bottles destined for export. As the seller delivered only part of the ordered wine despite the price being paid in full by the buyer, this latter initiated a lawsuit against the seller seeking for contract termination and damages.
Both first and second instance Courts found for the buyer. The seller appealed.

The Supreme Court concluded that the lower Court’s judgment was correct. In so doing, it confirmed that – as rightly contended by the Appellate Court - a distinction exists between the period within which non conformity of the goods must be notified and the period within which the buyer must initiate a lawsuit. With respect of the Convention, which was applicable under its Art. 1(1)(a), the Court recalled that Art. 39(2) CISG does not establish any limitation periods, but only a time limit for the notification that, once elapsed, precludes the buyer availing itself of the remedies against lack of conformity.

After noting that prescription (limitation of action) is a matter that falls outside the scope of the Convention (Art. 7(2) CISG), the Court concluded that the seller's argument that the buyer’s claim was inadmissable in so far as it was time-barred under Art. 39(2) CISG had to be dismissed.

Fulltext

Faits et procédure

1.
Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 octobre 2020), la société Win System International Limited (la société Win), ayant son siège social à [Adresse 4], réalise des transactions financières et des opérations de commerce transfrontières.
2.
Au début de l’année 2011, elle a commandé à la société française Ipso facto différents vins bordelais destinés à l’exportation. Les deux factures, émises pour un montant total de
4 682 388 euros, ont été payées par les sociétés Wai Hing Money, Sunny Wide et Sun Sing, habilitées à cet effet.

3. Soutenant que la société Ipso facto n’avait livré qu’une partie de la commande et lui devait la somme de 2 172 000 euros, la société Win l’a assignée en paiement.
4. La société Ekip’ a été désignée mandataire judiciaire par le jugement du 14 octobre 2020 ouvrant le redressement judiciaire de la société Ipso facto.

Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
5.
En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer
par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature
à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches
Enoncé du moyen
6. Les sociétés Ipso facto et Ekip’, ès qualités, font grief à l’arrêt d’écarter l’exception de forclusion, de dire la société Win recevable en son action, de prononcer la résiliation judiciaire
des contrats de vente des vins Chevalier de Lascombes 2009, pour un montant de
372 000 euros, et Château Lascombes 2009, pour un montant de 1 800 000 euros, soit au total 2 172 000 euros, de condamner la société Ipso facto à restituer à la société Win la somme de 2 172 000 euros et de condamner la société Ipso facto à verser à la société Win la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors:
«2°/ que l’article 1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que ‘la présente Convention s’applique aux contrats de vente de marchandises’; qu’en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l’article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n’est pas applicable au motif que ‘la vente de vins n’est pas constitutive d’un contrat de vente au sens de cette Convention (article 3-1)’, quand le vin constitue une marchandise dont la vente internationale relève de la Convention de Vienne, la cour d’appel a violé le texte susvisé par refus d’application;
3°/ que l’article 3.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que ‘sont réputés ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, à moins que la partie qui commande celles-ci n’ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette fabrication ou production’; qu’en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l’article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n’est pas applicable, aux motifs adoptés que la ‘Convention de Vienne s’applique, selon son article 3, aux contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, ce qui n’est pas le cas de la vente de bouteilles de vins de Bordeaux’, quand la stipulation de l’article 3.1 a pour objet d’inclure dans le champ d’application matériel de la Convention la vente de choses futures lorsque l’acquéreur ne fournit pas l’essentiel de la matière première et non de limiter ce champ d’application aux seuls contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application;
4°/ que l’article 1.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que ‘la présente Convention s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents lorsque ces États sont des États contractants, ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État contractant’; qu’en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l’article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n’est pas applicable sur le territoire de Hong Kong, tout en constatant que l’article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 désigne la loi française pour régir la vente litigieuse en tant que loi du pays où le vendeur a sa résidence habituelle, ce dont il résultait que la Convention de Vienne du 11 avril 1980, qui constitue le droit substantiel français de la vente internationale de marchandises, était applicable au litige, la cour d’appel a violé le texte susvisé par refus d’application;
5°/ que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 instituant un droit uniforme sur les ventes internationales de marchandises s’impose au juge français, qui doit en faire application sous réserve de son exclusion, selon l’article 6, qui s’interprète comme permettant aux parties de l’éluder tacitement, en s’abstenant de l’invoquer devant le juge français; qu’en considérant que les parties avaient tacitement exclu l’application de la Convention de Vienne, quand les commémoratifs du jugement établissent que la société Ipso facto invoquait l’application de la Convention de Vienne dans l’instance au fond ayant abouti au jugement du tribunal de commerce de Bordeaux de l’appel duquel elle était saisie, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention de Vienne par fausse application;
6°/ en toute hypothèse, la portée du silence des parties dont s’induirait un accord procédural doit s’apprécier au regard de l’objet du litige; qu’en déduisant l’exclusion tacite de la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso facto n’en avait jamais fait mention dans l’instance en référé, quand le débat devant la juridiction des référés avait trait à son incompétence à raison de l’existence d’une contestation sérieuse tenant à l’absence de tout contrat conclu entre les sociétés Win System International et Sun Sing International, demanderesses en restitution d’un indu prétendu, et la société Ipso facto, de sorte que le silence gardé par cette dernière sur l’applicabilité de la Convention de Vienne ne pouvait avoir aucune portée dans l’instance au fond introduite par la seule société Win System International sur le fondement, différent de celui invoqué dans l’instance en référé, de l’inexécution partielle du même contrat dont la conclusion était auparavant déniée, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980;
7°/ en toute hypothèse, que la portée du silence des parties dont s’induirait un accord procédural doit s’apprécier au regard de l’objet du litige; qu’en déduisant l’exclusion tacite de la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso facto n’en avait jamais fait mention dans le cadre du litige l’opposant à la société Usa Piilii Jepen International, quand l’instance introduite à l’encontre de cette dernière par la demande de la société Ipso facto tendant à l’exécution des contrats conclus avec elle pour un montant de 17 239 869,08 euros, portait sur des contrats différents de ceux objet du présent litige opposant la société Ipso facto et la société Win System International, de sorte que le silence gardé sur l’applicabilité de la Convention de Vienne dans l’instance à l’encontre de la société Usa Piilii Jepen International était dépourvu de portée dans l’instance l’opposant à la société Win System International,la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980.»

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l’article 7, § 2, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de
vente internationale de marchandises (la CVIM) que les questions concernant les matières régies par la CVIM et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s’inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé.
8. Selon l’article 39, § 2, de la CVIM, l’acheteur est, dans tous les cas, déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité, s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux
ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises.
9. Les dispositions de la CVIM ne prévoient pas de délai de prescription ou de forclusion et ce
délai de deux ans est un délai de dénonciation du défaut de conformité et non un délai pour
agir. La fin de non-recevoir soulevée, au visa de ce texte, par la société Ipso facto pour cause
de forclusion de l’action formée par la société Win doit être rejetée.
10. Par ces seuls motifs substitués d’office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

Par ces Motifs, la Cour:
REJETTE le pourvoi;
Condamne la société Ipso facto aux dépens;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Ipso facto et Ekip’, en qualité de mandataire judiciaire de la société Ipso facto, et condamne la société Ipso facto à payer à la société Win System International Limited la somme de 3 000 euros;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt- deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Ipso facto et la société Ekip’, prise en la personne de M. [I], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Ipso facto.
La société Ipso Facto et la société Ekip ès qualités font grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR écarté M1 l’exception de forclusion que la société Ipso Facto avait soulevée, d’AVOIR dit la société Win
System International recevable en son action, d’AVOIR prononcé la résiliation judiciaire des contrats de vente des vins Chevalier de Lascombes 2009, pour un montant de 372 000 euros,
et Château Lascombes 2009, pour un montant de 1 800 000 euros, soit au total 2 172 000 euros, d’AVOIR condamné la société Ipso Facto à restituer à la société Win System International la somme de 2 172 000 euros et d’AVOIR condamné la société Ipso Facto à verser à la société Win System International la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts;
1°) M2 ALORS QUE méconnaît les exigences d’un procès équitable et statue par une apparence de motivation l’arrêt d’appel dont les motifs ne permettent pas de distinguer les moyens d’une
partie du fondement de sa décision; qu’en considérant, pour débouter la société Ipso Facto
de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l’article 39 de la Convention de Vienne, que «l’intimée, qui explique son retard à former réclamation par le litige opposant l’appelante à la USA PIILII, soutient que la Convention de Vienne n’est pas applicable en soulignant d’une part, à juste titre que la vente de vins n’est pas constitutive d’un contrat de vente au sens de cette Convention (article 3-1); que d’ailleurs les parties ont tacitement exclu son application, notamment la société Ipso Facto qui n’y a jamais fait mention devant le juge des référés, ni dans le cadre du litige l’opposant à la société USA PIILII, se fondant toujours sur des textes de droit interne français», quand de tels motifs, en présentant d’un même trait les arguments de l’intimée et le raisonnement des juges sans permettre de déterminer ce qui, parmi les moyens de la société Win System International, a effectivement fait l’objet d’une approbation par les juges, font peser un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction, la cour d’appel a violé l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile;
2°) ALORS QUE l’article 1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que «la présente Convention s’applique aux contrats de vente de marchandises»; qu’en retenant, pour débouter la société Ipso Facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l’article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n’est pas applicable au motif
que «la vente de vins n’est pas constitutive d’un contrat de vente au sens de cette Convention (article 3-1)» (arrêt, p. 9, § 2), quand le vin constitue une marchandise dont la vente internationale relève de la Convention de Vienne, la cour d’appel a violé le texte susvisé par refus d’application;
3°) ALORS QUE l’article 3.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que «sont réputés
ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, à moins que la
partie qui commande celles-ci n’ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette fabrication ou production»; qu’en retenant, pour débouter la société Ipso
Facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l’article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n’est pas applicable, aux motifs adoptés que la «Convention de Vienne s’applique, selon son article 3, aux contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, ce qui n’est pas le cas de la vente de bouteilles de vins de Bordeaux» (jugement, p. 6, § 3), quand la stipulation de l’article 3.1 a pour objet d’inclure dans le champ d’application matériel de la Convention la vente de choses futures lorsque l’acquéreur ne fournit pas l’essentiel de la matière première et non de limiter ce champ d’application aux seuls contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application;
4°) ALORS QUE l’article 1.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que «la présente Convention s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents lorsque ces États sont des États contractants, ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État contractant»; qu’en retenant, pour débouter la société Ipso Facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l’article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n’est pas applicable sur le territoire de Hong Kong, tout en constatant que l’article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 désigne la loi française pour régir la vente litigieuse en tant que loi du pays où le vendeur a sa résidence habituelle (arrêt, p. 10, § 1), ce dont il résultait que la Convention de Vienne du 11 avril 1980, qui constitue le droit substantiel français de la vente internationale de marchandises, était applicable au litige, la cour d’appel a violé le texte susvisé par refus d’application;

5°) ALORS QUE la Convention de Vienne du 11 avril 1980 instituant un droit uniforme sur les
ventes internationales de marchandises s’impose au juge français, qui doit en faire application
sous réserve de son exclusion, selon l’article 6, qui s’interprète comme permettant aux parties
de l’éluder tacitement, en s’abstenant de l’invoquer devant le juge français; qu’en considérant que les parties avaient tacitement exclu l’application de la Convention de Vienne, quand les commémoratifs du jugement (p. 4) établissent que la société Ipso Facto invoquait l’application de la Convention de Vienne dans l’instance au fond ayant abouti au jugement du tribunal de commerce de Bordeaux de l’appel duquel elle était saisie, la cour d’appel violé l’article 6 de la Convention de Vienne par fausse application;

6°) ALORS QU’en toute hypothèse, la portée du silence des parties dont s’induirait un accord procédural doit s’apprécier au regard de l’objet du litige; qu’en déduisant l’exclusion tacite de la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso Facto n’en avait jamais fait mention dans l’instance en référé, quand le débat devant la juridiction des référés avait trait à son incompétence à raison de l’existence d’une contestation sérieuse tenant à l’absence de tout contrat conclu entre les sociétés Win System International et Sun Sing International, demanderesses en restitution d’un indu prétendu, et la société Ipso Facto, de sorte que le silence gardé par cette dernière sur l’applicabilité de la Convention de Vienne ne pouvait avoir aucune portée dans l’instance au fond introduite par la seule société Win System International sur le fondement, différent de celui invoqué dans l’instance en référé, de l’inexécution partielle du même contrat dont la conclusion était auparavant déniée, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980;
7°) M8 ALORS QU’en toute hypothèse, la portée du silence des parties dont s’induirait un accord procédural doit s’apprécier au regard de l’objet du litige; qu’en déduisant l’exclusion tacite de
la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso Facto n’en avait jamais fait mention dans le cadre du litige l’opposant à la société Usa Piilii Jepen International, quand l’instance introduite à l’encontre de cette dernière par la demande de la société Ipso Facto tendant à l’exécution des contrats conclus avec elle pour un montant de 17 239 869,08 euros, portait sur des contrats différents de ceux objet du présent litige opposant la société Ipso Facto et la société Win System International, de sorte que le silence gardé sur l’applicabilité de la Convention de Vienne dans l’instance à l’encontre de la société Usa Piilii Jepen International était dépourvu de portée dans l’instance l’opposant à la société Win System International, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980.}}

Source

Original in French:
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