Data

Date:
06-12-1993
Country:
Switzerland
Number:
Court:
Tribunal Cantonal de Vaud
Parties:
S. v. P.

Keywords

BUYER'S OBLIGATION (ART. 53 CISG) - PAYMENT OF PRICE

INTEREST - RIGHT TO INTEREST IN CASE OF LATE PAYMENT OF PRICE (ART. 78 CISG) - ACCRUAL FROM DATE PAYMENT OF PRICE IS DUE

INTEREST RATE - DETERMINED BY DOMESTIC LAW APPLICABLE IN THE ABSENCE OF CISG

Abstract

A French seller and a Swiss buyer concluded a contract for the sale of fruits and vegetables to be delivered on certain dates. As the buyer did not pay for some deliveries, the parties reached an agreement in which the buyer accepted to pay some arrearages each month and the seller accepted to deliver some further goods. Later, the seller commenced action against the buyer alleging breach of the second contract, as the buyer did not pay some of the arrearages nor the price of the goods further delivered.

The Court observed that the contract was governed by CISG because either both parties had their places of business in contracting States (Art. 1(1)(a) CISG) or the Swiss private international law rules led to the application of the law of France, a contracting State (Art. 1(1)(b) CISG).

The Court, in determining that the buyer had not contested the invoices sent by the seller, held that the seller was therefore entitled to payment of the price pursuant to Art. 53 CISG.

The Court further held that the seller was entitled to interest on the price (Art 78 CISG). As CISG does not determine either the time of interest accrual or the interest rate, the Court stated that both questions had to be determined by the law otherwise applicable to the contract (in this case French law). Therefore, interest accrued from the date the seller requested buyer to pay the price.

French law was also applicable to determine the rate of interest. However, as the seller failed to prove the relevant rate in France, the Court referred to Swiss law to ascertain the applicable rate.

Fulltext

[...]

E n d r o i t:

I. Aux termes de l'article 57 alinéa 2 CPC, lorsque le défendeur n'a pas procédé sur le fond, et qu'il fait défaut, le juge contrôle et le cas échéant, décline d'office sa compétence dans les causes régies par l'article 59 de la Constitution fédérale, ainsi que dans les causes internationales de nature patrimoniale.

La Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (RS 0.275.11), entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 1992, et applicable à la présente action du point de vue intertemporel (art. 54 de la Convention), consacre à son article 2 le principe de la compétence des juridictions de l'Etat du domicile du défendeur. Le siège des personnes morales est assimilé au domicile (art. 53). L'article 2 précité pose une règle de conflit de juridiction; quant au for, il doit être déterminé suivant le droit de l'Etat déclaré compétent (Poudret, Les règles de compétence de la Convention de Lugano confrontées à celles du droit fédéral, en particulier à l'article 59 de la Constitution, in L'espace judiciaire européen - La Convention de Lugano du 16 septembre 1988, Publication CEDIDAC n° 21, pp. 59 et 64-65).

Dans le cas présent, il n'est pas nécessaire de rechercher, comme la doctrine susmentionnée (Poudret, ibid., p. 60), si le for doit être fixé d'après les règles de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (RS 291; ci-apres: LDIP), ou d'après celles du droit interne suisse. En effet, l'article 51 CPC prévoit que toute action est intentée devant le juge du domicile du défendeur, sous réserve d'exceptions dont aucune n'est réalisée en l'occurrence; de même, selon l'article 112 LDIP, les tribunaux suisses du domicile du défendeur sont compétents pour connaître des actions découlant d'un contrat. La défenderesse ayant son siège à (B.), le juge de céans n'a pas à décliner sa compétence à raison du lieu; matériellement, il est compétent.

II. a) L'article 118 alinéa 1er LDIP dispose que les ventes mobilières sont régies par la Convention de La Haye sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels (RS 0.221.211.4). L'article 3 alinéa 1er de cette Convention soumet la vente, à défaut de loi déclarée applicable par les parties, à la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande. Toutefois, la loi interne du pays où l'acheteur a sa résidence habituelle s'applique, si c'est dans ce pays que la commande a été reçue (art. 3 al. 2 de la Convention).

En l'espèce, ni une élection de droit ni la passation d'une commande en Suisse ne sont alléguées ni établies. Le droit français est donc applicable, sous réserve de ce qui suit.

b) La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (RS 0.221.211.1; ci-dessous: la Convention de Vienne), conclue à Vienne le 11 avril 1980, est entrée en vigueur le 1er janvier 1988 pour la France et le 1er mars 1991 pour la Suisse. A teneur de son article premier, elle s'applique aux contrats de vente de marchandises conclus entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents a) lorsque ceux-ci sont des Etats contractants; ou b) lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant (al. 1).

Les conditions requises par cette disposition étant réunies, le présent litige doit être tranché suivant les règles de la Convention de Vienne.

III. a) La demanderesse a rempli ses obligations contractuelles en livrant les primeurs commandées à la défenderesse, qui n'a pas émis de contestation. Il n'est pas allégué que les factures litigieuses sont justifiées, soit que les prix appliqués sont conformes aux accords des parties et que les quantités correspondent aux livraisons. Cependant, il convient d'admettre que cette allégation est contenue implicitement dans la réclamation: celui qui prétend obtenir le paiement d'une facture en invoque forcément le bien-fondé; le contraire serait incohérent. Une allégation expresse n'est pas nécessaire dans ces conditions. Il incombait à la défenderesse de procéder et de contester les bases de calcul des factures, ce qu'elle a omis de faire, que ce soit dans le cadre de la procédure ou auparavant. Dès lors et au vu de ce qui précède, il faut considérer que la défenderesse est tenue de s'acquitter du prix de vente, qui est devenu exigible au fur et à mesure des livraisons (art. 53, 58 al. 1er et 59 de la Convention de Vienne). Il s'ensuit qu'elle doit à la demanderesse le montant total des factures impayées, soit la somme de 309'897 francs.

b) La demanderesse réclame sur cette somme un intérêt de 9 % l'an dès le 1er juillet 1992.

La Convention de Vienne arrête le principe des intérêts moratoires en cas de demeure dans le versement du prix de vente, mais ne règle ni leur point de départ ni leur taux, qu'il convient de déterminer selon le droit national applicable (Stoffel, Le droit applicable aux contrats de vente internationale de marchandises, in Les contrats de vente internationale de marchandises, Publication CEDIDAC n° 20, p. 39).

En droit français, l'acheteur doit l'intérêt du prix si et dès qu'il a été sommé de payer (art. 1153 et 1652 CCF). La sommation peut intervenir par l'envoi d'une lettre missive (Weill, Droit civil - Les Obligations, Précis Dalloz, 1971, p. 445; Répertoire de droit civil Dalloz, 2ème éd., t. V, Intérêts des capitaux, nos 26-27). La défenderesse, interpellée par le courrier recommandé du 9 novembre 1992 du conseil de la demanderesse, est tombée en demeure le 16 novembre 1992, à l'expiration du délai imparti dans ledit courrier. C'est dès le lendemain, soit le 17 novembre 1992, que l'intérêt moratoire doit courir. Au demeurant, il convient d'observer que l'application du droit suisse aurait conduit à la même solution (cf. art. 102 al. 1er et 104 al. 1er CO).

Reste la question du taux. En l'espèce, la demanderesse invoque, mais échoue à prouver le taux de l'intérêt moratoire applicable en France. Ce taux, qui relève du droit applicable, ne bénéficie en effet pas de la présomption d'exactitude de l'article 306 CPC. Dans sa demande, la (S.) a offert de l'établir par une pièce à produire ultérieurement; interpellée à ce sujet à l'audience de ce jour, elle n'a pas déposé la pièce en question, ni établi de quelque autre manière ledit taux. L'article 6 alinéa 3 CPC permet au juge de statuer selon le droit suisse si le droit étranger ne peut être établi.

Dans les causes patrimoniales, le juge peut mettre le fardeau de la preuve du contenu du droit étranger à la charge de la partie qui s'en prévaut et, si cette preuve n'est pas rapportée, appliquer le droit suisse à titre supplétif (art. 16 LDIP; 6 al. 2 et 3 CPC; Poudret/ Wurzburger/ Haldy, Procédure civile vaudoise, n. 3 ad art. 6). Il y a ainsi lieu de s'en tenir aux règles du droit suisse et d'allouer sur le prix de vente un intérêt moratoire au taux de 5 % l'an (art. 104 al. 1er CO), les dispositions qui permettraient éventuellement de fixer un taux plus élevé (art. 104 al. 2 et 3, 106 al. 1er CO) ne pouvant s'appliquer faute d'allégations à ce sujet.

IV. Le juge civil saisi d'une action en reconnaissance de dette peut, en même temps qu'il statue sur le fond, prononcer la mainlevée, si les conditions en sont réunies (art. 36 al. 2 LVLP; ATF 107 III 60, c. 3, p. 65; SJ 1982 pp. 81 ss). Tel est le cas en l'espèce: la créance de la demanderesse était exigible au moment de l'ouverture de la poursuite; en outre, son action a été introduite dans le délai de péremption des articles 88 alinéa 2 et 166 alinéa 2 LP. Par conséquent, l'opposition de la défenderesse doit être levée définitivement jusqu'à concurrence de la somme et de l'intérêt alloués à la demanderesse.

V. En définitive, la demanderesse obtient l'adjudication de ses conclusions réduites, sous la réserve mineure du point de départ et du taux de l'intérêt moratoire. Elle a donc droit à de pleins dépens (art. 92 al. 1er CPC), qu' il convient d'arrêter à 3'758 francs, savoir:

a) 2'000 fr. à titre de participation aux honoraires de son conseil,
b) 100 fr. pour les déboursés de celui-ci;
c) 1'658 fr. en remboursement de son coupon de justice.

Par ces motifs,

le juge instructeur, statuant à huis clos et par defaut de la defenderesse,

p r o n o n c e :

I.- La défenderesse (P.) doit payer à la demanderesse (S.) la somme de 309'897 fr. (trois cent neuf mille huit cent nonante-sept francs), avec intérêt à 9 % l'an dès le 17 novembre 1992.

II.- L'opposition formée par la défenderesse au commandement de payer n° 300318 de l'Office des poursuites de (M.) est définitivement levée jusqu'à concurrence du montant alloué en capital et intérêt sous chiffre I du présent dispositif.

III. - Les frais de justice à la charge de la demanderesse sont arrêtés à 1'658 fr. (mille six cent cinquante-huit francs).

IV. - La défenderesse doit à la demanderesse la somme de 3'758 fr. (trois mille sept cent cinquante-huit francs) à titre de dépens.

V. - Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées.}}

Source

Original in French:
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